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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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messire… Et vous serez satisfait !
    On entendait aussi les tintements des forges où, dans l’odeur fameuse des cornes brûlées, des fèvres ferraient les destriers. Répondant aux heurts francs, espacés, des marteaux, les armuriers établis à certains carrefours faisaient tinter leurs maillets pour gironner les épaulières, genouillères, cuirasses et heaumes déformés lors d’un récent tournoi. Ces hommes-là deviendraient bientôt presque aussi nécessaires que les mires et les rebouteux ; leurs scies, trucquoises [353] et poinçons délivreraient certains malchanceux des pièces faussées dont ils seraient captifs.
    Tout ce monde grouillait, hurlait : « Place ! Place ! », s’invectivait ou se congratulait ; et tandis qu’il contournait cette fourmilière, Ogier se félicita d’avoir laissé Saladin sous sa tente : il eût risqué de prendre un mauvais coup.
    — Messire, on se croirait à la foire du Puy-Saint-Front… Quant à moi, pour tout vous dire, je suis heureux d’avoir trouvé en Denis un gars qui sait armorier. Vous avez vu mon écu ? Il y a figuré un gros martel d’argent… Hérodiade m’a dit qu’elle me composerait un beau plumail… mais je ne sais avec quoi !
    — J’ai bien fait de requérir leur aide.
    — Triste suite que vous avez là, tout de même : trois bateleurs et nous…
    Maintenant, ils chevauchaient droit vers leur pavillon.
    — Nullement, Thierry ! Je n’envie pas le frère de notre roi et son grand bobant. Il peut avoir un tref outrecuidant – vois : il dépasse les autres comme un clocher des maisonnettes –, cela ne prouve pas qu’il nous dominera lance en main. La pauvreté où je me trouve ne me dessert nullement : je passe inaperçu. Tiens : j’ai croisé Garin de Linars en allant seller Marchegai. Il ne m’a pas vu tant j’ai piteuse allure.
    Il en parlait aisément, mais sur le coup, quelle angoisse !
    — Moi, messire, j’ai croisé Charles d’Espagne. Il m’a œilladé comme une pute en manque de client !
    Ils rirent, cela leur fit du bien ; puis Thierry demanda :
    — Et pour le tournoi, quelles sont vos recommandations ?
    Ogier redevint soucieux :
    — Je te conseille de prendre Artus.
    — Lui !
    — Oui, lui. Tu l’as monté avant de seller Veillantif. Il s’est montré obéissant. Au tournoi, il te faut un cheval qui puisse tout voir. C’est un allié aussi important que la masse et l’épée. Je pense que Kergœt avait dressé Artus à l’égal de lui-même : fort, appert [354] , endurant. Je suis sûr qu’il connaît bien la guerre. La presse d’un tournoi y ressemble… Sois assuré qu’il restera insensible aux coups, – car il en recevra comme Marchegai. Il ne se cabrera ni ne bougera quand tu frapperas, et n’ira ni d’amont ni d’aval. Il ne remuera que si tu le féris des éperons, ce que je te déconseille…
    Thierry hochait la tête, attentif et peut-être inquiet. Ogier prit soin de remarquer :
    — Je n’ai ni l’âge d’enseigner ni celui de te considérer comme un disciple. Je te dis les choses comme elles me viennent. Je n’ai jamais pris part à un tournoi, mais j’en ai vu… J’ai ouvert grands mes yeux quand j’accompagnais mon oncle à Thiviers, Mavaleix, Excideuil, Bergerac… Garde-toi qu’un malveillant ne prenne Artus au frein [355] et tâche aussi que, tombé de selle, on ne t’entraîne hors de la lice : tu serais vaincu et devrais payer rançon à celui qui t’aurait pris. Tu perdrais ainsi ton armure et Artus… Mais rassure-toi : attraper à la fois le cheval et le chevaucheur (Ogier employait sciemment ce mot impropre au détriment de chevalier que Thierry n’était pas) est chose malaisée, bien que j’aie vu faire ainsi mon oncle… Il advient que des malicieux approchent des chevaux démontés, les happent au frein, les passent à leurs écuyers ou gens d’armes… Méfie-toi : si tu termines les joutes sans grand dommage et entres lundi en lice avec moi, sache que toutes les mauvaisetés y auront accès. Les tourments de conscience n’y seront pas de mise… À Thiviers, j’ai vu Mainfroid de Saint-Astier s’offrir par fausse bonté de garder un cheval pris par Garin de Linars et rendre le soir, à celui-ci, une bête percluse et redoise [356] comme celle de Marcaillou !… Crois-moi : à l’issue de cette mêlée, la joute nous paraîtra un jeu d’enfants… Je pense t’avoir tout dit…
    Thierry se redressa sur sa

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