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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dommage.
    — C’est vrai, dit Gosselin en tortillant sa moustache. On est bien aise, on se sent forts… C’est la première fois depuis deux ou trois ans… Dommage que du dehors nos trois compères ne puissent profiter de notre joie.
    Soudain, il fit silence et Jourden abandonna Bertrande : tous savaient pourquoi le fils du seigneur était de retour : la réhabilitation ou la mort.
    — Il nous faut veiller, Père. Blainville doit être furieux. Sa meute est peut-être en chemin… J’irai sur la muraille nord avec Thierry. Raymond, lui…
    — Non, trancha fermement Bressolles. Pendant ces deux longues semaines, je n’ai guère eu l’occasion de vous venir en aide. J’ai dormi plus que mon content.
    La liesse prenait fin. À nouveau le péril affleurait les esprits. Blainville encore et toujours. Tout s’enténébrait : logis, repas, visages. En le voyant pesamment s’extraire de son siège sans effaroucher Titus, Ogier sut que son père succombait une fois de plus à la mélancolie. Pendant quelques fragments de cette nuit particulière, le cidre aidant – et pourtant qu’il était mauvais ! – ce seigneur éprouvé avait paru oublier… Il regardait ses lions sur le mur. L’azur et l’or s’en ternissaient, semblables à ses espérances.
    — J’accepte, Girbert : vous veillerez ! Il est vrai que Raymond, Thierry et moi avons besoin d’un long repos. Demain, avec eux, j’irai chevaucher du côté de Blainville…
    Godefroy d’Argouges sursauta :
    — Ne te hâte pas ! Demain, repose-toi.
    Puis cet homme nullement couard, mais prudent, se ressaisit : un sourire apparut sur ses lèvres :
    — Après-demain, si vous me prêtez un cheval, je vous accompagnerai.
    — Tu prendras Passavant… Où allons-nous dormir ?
    Bertine ouvrit la bouche. D’un geste et d’un froncement des sourcils, le baron la dissuada de s’exprimer.
    — Tu peux reprendre ta chambre, mon fils. Elle est demeurée telle que le jour où nous sommes partis pour Honfleur.
    Ogier refusa cette proposition.
    — Ma mère y a trop langui. (« Et c’est de là qu’elle s’est jetée », songea-t-il.) Notre bonne compagne Adelis y dormira désormais.
    Guillemette, Jeannette et Isaure s’entre-regardèrent, suffoquées ou indignées de ce grand privilège. Il n’eut cure de cette réprobation. Pas plus que lui-même, elle ne touchait Adelis.
    — Vous continuerez, m’amie, de veiller sur Titus… et sur Saladin si je dois m’absenter sans lui.
    — Avec plaisir, messire, dit Adelis.
    Il fut conscient que tous, même sa sœur, prenaient cette femme pour sa concubine et décida – ne fut-ce que pour complaire à Bressolles – de les maintenir dans l’erreur.
    — Messire, dit Jourden, il y a quatre lits au corps de garde.
    — Voilà ce qu’il nous faut !
    Il entrevit la lippe désolée de Bertine, tandis que Thierry avouait :
    — Quel que soit le lieu où je coucherai, je suis assuré d’y faire de beaux rêves.
    Il contemplait Aude ; elle le dévisageait et leurs regards, leurs sourires, leur façon de se pencher l’un vers l’autre révélaient une amitié naissante. Peut-être davantage.
    « La fille d’un baron éprise d’un ancien fèvre ! »
    Ogier se reprocha d’éprouver une espèce de dépit mêlé de crainte sourde au spectacle d’une affection qui pouvait dégénérer. Il se rassura aussi promptement qu’il s’était inquiété :
    « Champartel est trop clairvoyant pour ne point ignorer quel obstacle le sépare de cette pucelle bien née. »
    Mais Aude ? Pouvait-elle s’éprendre si vélocement d’un inconnu dont la médiocrité [128] ne pouvait lui échapper ? Il se rassura imparfaitement :
    « Elle sait qu’elle a de l’estoc [129] . Elle connaît son rang et les usages. »
    Il se fourvoyait avec une audace grossière : les Argouges étaient tombés plus bas encore qu’en dérogeance [130] . Ils étaient devenus moins que des hurons – ces hurons que Thierry avait eus pour famille.

III
    Quand Ogier s’éveilla, le soleil décochait ses traits dans les archères de la pièce ombreuse où il avait dormi pour la première fois depuis sa naissance : le logis des soudoyers.
    Les trois lits voisins du sien étaient vides, les draps et couvertures pliés contre leur chevet. On avait déposé sur une table basse un seau d’eau, une bassine, une touaille [131] et un rasoir ainsi qu’un grand miroir d’acier poli qu’il reconnut, le cœur pincé :

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