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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’avait perçue dans l’attitude d’un garçon de plus en plus effronté en présence du père de Luciane. Quelque chose les liait. Ce mot de Pierregord avait apporté au chevalier normand la conviction que ce qu’il redoutait existait. Bien qu’il se refusât à y croire, l’évidence brûlait sa mémoire.
    Un visage tourmenté, mais clair, se tourna vers ce gendre qui redoutait quelque confidence amère, peut-être tachée de sang. Il lui parut être le seul être capable de recueillir un secret, un remords, les preuves intangibles, mais certaines, d’une culpabilité dont il redoutait l’importance.
    – Il me faut t’exprimer mes angoisses, mes craintes…
    Tristan acquiesça de la tête. De sa part tous les mots lui semblaient superflus. Il vit son beau-père, d’une main, chasser devant lui une présence invisible et néfaste, et il imagina Lionel, la mine altière, le camail lui tenant lieu de chevelure, l’œil vivace aux aguets sous les grands sourcils blonds, la bouche tirée comme s’il avait soif. Assurément soif de vengeance.
    – Pourquoi Dieu nous a-t-il mis en présence ?… Sais-tu que je l’ai cherché ?
    – Qui ?
    – Mon fils… Cherché autant que j’ai cherché Luciane.
    Tristan ne pouvait qu’écouter.
    – Peu après que la peste noire eut cessé… Il y a… il y a seize ans. Croyant que Thierry avait pu conduire Luciane à Rechignac, en Pierregord où j’ai passé mes enfances auprès de mon oncle, je suis allé jusque-là… En vain. Le puissant châtelet était à l’abandon… La morille en avait fait le siège… Victorieusement.
    Tristan hocha la tête.
    –  Mais tout n’est pas clair dans ce que je te raconte.
    Tu le sais, beau-fils : lorsque mon père, Godefroy, eut été dégradé, après la bataille de l’Écluse, pour une félonie qu’il n’avait pas commise, et les lions de nos armes diffamés, j’ai dû partir chez mon oncle, à Rechignac, pour y apprendre le métier des armes…
    – Jusque-là, vous ne m’apprenez rien que je ne sache, et par vous et par Luciane.
    Le regard de Tristan se posa sur des prunelles fiévreuses, puis sur des joues qui, dans la nuit enfin là, paraissaient exsangues.
    – Il y avait une lavandière, Anne… J’en devins amant. Je l’aimais… Non pas comme on peut aimer dans la jeunesse prime : je l’aimais d’un amour l’homme. Et je ne pensais pas déroger si je l’épousais un jour… Après tout, Guillaume le Conquérant est né d’amours plus vulgaires…
    Tristan acquiesça et redouta d’entendre d’un seul jet ses confidences âpres et désagréables.
    – Robert Knolles exilait 260 la contrée. Bientôt, mon oncle Rechignac, moi et toute la mesnie fûmes certains qu’il venait vers nous. Les cul verts montèrent avec leurs bêtes dans les murs, et inversement, croyant que nous ne pourrions résister aux Goddons, Anne descendit discrètement au hameau pour chercher la protection d’un bucheron, Thibaut, qui connaissait, dans la forêt voisine, les cavernes d’où ils pourraient attendre que les Godons retraitent… Or, j’appris par sa sœur même, l’Anne était grosse et que, doutant que je reconnaisse enfant, elle avait préféré fuir plutôt que de subir une déception de ma part…
    Ogier d’Argouges cracha dans le fleuve. Où avait-il trouvé sa salive ? Jamais sa voix n’avait été si sèche.
    – J’aurais reconnu cet enfant. J’aurais fait en sorte d’épouser Anne, et si je ne le pouvais, de la hausser au rang qu’elle méritait.
    – Je n’en doute pas… et vous sais incapable d’un abandon noxal (534) .
    Le chevalier normand parut insensible à ce qui, pourtant, égalait un compliment.
    – Quand, après la peste, je suis monté à Rechignac, il ne restait, de tous ceux que j’avais connus, que des femmes et des enfants. Parmi ces femmes, Mathilde, l’ancienne concubine de mon oncle… Le chapelain, Arnaud Clergue, qui eût pu m’informer, m’annonça seulement qu’Anne était morte du mal des aines et pour preuve qu’il ne mentait pas, il m’emmena sur sa tombe… Thibaut ? Il le voyait de temps en temps quand il amenait une charretée de bois dans les murs. Avais-je une fille ? Un fils ? demandai-je. Oui, j’avais eu un fils, mais il était mort à sa naissance. C’était lui, Clergue, qui l’avait ondoyé… Plus tard, j’ai compris qu’il avait dû me mentir. Je lui avais dit que j’étais marié, bien sûr, dès ma venue à Rechignac. Marié

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