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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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des ors et des argenteries que certains robeurs exhibaient au-dessus de leur bagage tandis que d’autres arboraient à leur cou et autour des hanches des colliers et des ceintures de métaux précieux prélevés on ne savait où. Guesclin ne s’indignait point ; c’était là l’essentiel.
    Ce fut sous les voûtes des arbres nus – dépouillés, eux aussi de leur parure – que les chevaliers et les écuyers de France, les centuries équestres et la piétaille quittèrent la rive du Rhône et les pentes inaccueillantes des domaines du Pape. Sans doute, en signe de deuil, aucune cloche n’avait tinté. Le charroi suivait lentement, alourdi par les rapines.
    Tristan chevauchait auprès de Jean Lemosquet, derrière Ogier d’Argouges et Paindorge. Yvain Lemosquet menait Carbonelle et Pampelune à la longe et Lebaudy s’occupait des deux sommiers : ils piétaient fermement sans qu’il fût besoin de les y contraindre. Pas un chant. On regrettait de devoir partir. On dissertait sur l’hospitalité de Sa Sainteté, sa lenteur à lever l’excommunication et à verser en rechignant sa contribution apostolique et humaine. Et pour se montrer dignes et honnêtes, on contourna paisiblement le premier hameau des cahutes de terre mêlée à de la chaux sur le seuil desquelles des hommes veillaient, la fourche ou la faux en mains. On s’ébaudit de la frayeur qu’on provoquait.
    – Ne vous triboulez point ! hurla Naudon de Bagerant. Vous êtes trop pauvres…
    Et Guesclin de tonitruer :
    – Que ceux qui veulent obtenir gloire et richesse en Espagne se joignent à nous !
    Aucun culvert ne courut vers cette coulée de fer et de muscles qui descendait vers où ? Nîmes affirmaient certains. Montpellier disaient d’autres. On avançait aussi les noms de Carcassonne et de Béziers – ce dont Tristan doutait.
    *
    Le 29 novembre, les Compagnies furent en vue de Montpellier. On mit pied à terre et dressa les tentes. Les chefs recensèrent leurs hommes et additionnèrent leurs résultats : il y avait environ douze mille routiers et soudoyers. On en espérait dix mille, commandés par l’Archiprêtre. Ils se firent attendre et Guesclin désespéra de les voir paraître. Cependant, quelques routes bien fournies en hommes et en armes virent grossir ce que le Breton appelait son ost.
    Comme Tristan et Ogier d’Argouges s’y attendaient, les capitaines demandèrent de l’argent. Pour contenter leurs exigences, Guesclin leur promit d’aller voir le mayeur 265 de la cité. Il entra dans les murs avec quelque cent Bretons armés ; ils y menèrent un «  haro comme oncques n’en vit  », dit l’un d’eux au retour, et rapportèrent un gros sac plein d’espèces sonnantes.
    – Les bourgeois, dit Guesclin, ont craché au bassinet 266  !
    On repartit et des discordes commencèrent. Devait-on aller à Carcassonne ou gagner Perpignan ? Tristan s’aperçut qu’Audrehem ne donnait point son avis. Sans doute avait-il laissé dans cette contrée de mauvais souvenirs.
    – De toute manière, confia-t-il à son beau-père, même si nous passions par Carcassonne, je ne dispose rais pas du temps nécessaire pour aller jusqu’à Castelreng.
    Il mentait. Il craignait qu’en son absence Lionel ne se prît de querelle avec Ogier d’Argouges et que ses compères et lui ne commissent un meurtre dont Guesclin n’aurait point souci.
    Sous un soleil glacé, l’armée chemina vers Béziers. Après l’approche des malandrins rangés en batailles miroitantes, il suffît aux Bretons de galoper jusqu’aux portes de la cité en hurlant des injures pour que les bourgeois et le commun acceptassent de contribuer à ce que Guesclin appela « l’effort de guerre ». Il y eut cette fois deux sacs pleins dont le contenu fut distribué aux capitaines sitôt que le Breton eut regagné son tref. La nuit même, comme rassasiés par ces deux profits successifs, deux mille routiers sautèrent à cheval et galopèrent vers le nord.
    – Holà ! Où courez-vous ? s’écria Jean de Bourbon en sortant nu de dessous sa tente.
    – En France ! hurla un homme. En notre Paradis !
    Réveillés en sursaut, Guesclin et Audrehem apparurent, l’un en chemise, l’autre en braies, frissonnants, effarés dans le froid piquant. Bourbon courut à eux et, l’index tendu comme s’il voulait trouer les ténèbres :
    – Ils sont partis !
    – Bah ! dit le Breton, d’autres viendront.
    – Deux mille de moins, dites-vous, Bourbon ?

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