Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
et père de Luciane, que je recherchais en vain… De toute façon, dès que nous fûmes revenus du cimetière, il se montra plus verrouillé qu’une porte de geôle.
    Tristan épiait ce visage morne derrière lequel passaient des fantômes et des pays qui lui étaient interdits. Luciane avait un frère ou plutôt une moitié de frère, et celui-ci pouvait être Lionel.
    – Si c’est lui , dit Ogier d’Argouges, il me reproche un abandon que je n’ai pas voulu. Une aisance que je n’ai jamais eue… Une fortune que je n’ai pas. Le songe est un mensonge. Il peut-être doux, il peut-être venimeux…
    Tristan ferma les yeux. Jamais, il le savait – et son beau-père le savait aussi -, Lionel ne pourrait prendre un autre chemin que celui où l’infortune l’avait engagé.
    Il s’y plaisait. Il régnait en seigneur sur des compagnons tout aussi aigris, tout aussi violents que lui-même. Nul ne pourrait changer le cours de leur destin. Il était à craindre qu’ils ne devinssent abominables dès leur entrée en Espagne. Ils se vengeraient sur des innocents d’une médiocrité d’existence et de pensée dont ils étaient seuls comptables.
    – Ce ne sont jamais, selon eux, les hommes faillis qui sont causes de leurs malheurs – si tant est pour certains qu’il y ait eu malheur. Ce sont les autres.
    – Je prévois un achèvement en marche, si j’ose dire. Ma condamnation…
    – Holà ! Holà ! Vous déraisonnez, beau-père ! Ce malandrin outrecuidant ne peut rien contre vous !
    – Je me garderai de lui adresser la parole. Je sais qu’il ne voudrait rien savoir.
    Un rire. Si bref que Tristan douta de l’avoir entendu. Puis :
    – Quelle étrangeté. Je ne suis pas un monstre. Je n’ai jamais commis une action dont je puisse être vergogneux. Anne était belle, bonne, douce, courageuse, fidèle… À nous deux nous avons engendré un fredain 261  ! Et j’enrage, Tristan, de songer qu’il ne l’était peut-être pas à sa naissance. Sans mère pour s’occuper de lui, il se peut que le bûcheron l’ait pris en haine. Ce n’était pas son fils mais un bâtard de noble homme… Et maintenant que j’y pense, il se peut que lors de ma visite à Rechignac, Lionel ait été parmi ces enfants que mon regard a dédaignés. Il se peut que le chapelain se soit intéressé à lui parce qu’il savait qu’il était mon fils. Souviens-toi, Tristan, du latin qu’il employa pour la prière des morts qu’il a dite sur le corps de notre premier trépassé, juste après Orange… En tout cas, j’en conviens maintenant avec peine : il me ressemble. J’étais ainsi quand j’avais son âge… Que puis-je faire ?
    –  Rien, beau-père. Si vos suppositions sont bonnes, Lionel vous parlera. Mais je crains qu’il vous haïsse au point de vous décocher dans le dos un carreau de son arbalète.
    – Pour un homme qui a souffert tant par les navrures de son corps que par celles de son âme, la mort est peut-être une volupté : celle de s’abstraire de toutes les abominations d’une vie.
    Tristan n’osa protester. D’ailleurs, Argouges ne lui en eût point laissé le temps.
    – S’il vit, dit-il, ou plutôt s’il survit à notre croisade en Espagne, il se peut qu’il se veuille revancher sur Luciane…
    – Qu’il essaie ! enragea Tristan. Allons, revenons à Villeneuve.
    Ils remontèrent lentement vers la cité puis obliquèrent pour retrouver Paindorge et les soudoyers.
    – Que savez-vous qui en vaille la peine ? demanda Ogier d’Argouges.
    – Guesclin a vu le Pape, dit Paindorge. C’est Shirton – l’archer de Calveley – qui nous l’a dit.
    Le chevalier normand eut comme un sourire. Imaginait-il le Breton se prosternant devant le Saint-Père ou bien songeait-il au temps lointain de son otagerie en Angleterre ?
    – Nous nous sommes peu rencontrés, Jack et moi, depuis nos retrouvailles. Sans s’éloigner de moi, il est… distant. Il est vrai qu’en dix-sept ans de séparation, l’amitié peut s’enrugnir 262 dans l’esseulement et le silence comme l’acier dans l’inaction et l’absence de soins. Est-ce tout ?
    La parole s’était durcie. Les yeux semblaient compter dans le ciel quelques étoiles opalines. À l’entour et surtout dans Villeneuve, des chants, des cris, des rires projetaient dans la nuit, comme dans toutes les nuits, une gaieté de fauves en rut.
    – Guesclin, selon Shirton, a dit à Calveley qu’il avait été reçu par la chambre

Weitere Kostenlose Bücher