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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ses lèvres puis, offrant le cruchon à Paindorge :
    – Tu peux en boire. Laisse le reste à mes soudoyers.
    – Il est bon, dit d’un trait le Bègue de Villaines en essuyant, d’un revers de gantelet, ses moustaches et sa barbe.
    – Vrai, dit Guesclin. Si nous avions des vignes en Bretagne, notre vin serait le meilleur du monde. Mais ce sang de raisin ne vaut pas celui qui gonfle nos veines, il se fait tard… Que tous les hommes restent sur place… Nous donnerons le chaud (559) dès l’aurore. Qu’on fasse manger et dormir les hommes et surtout, messires, demeurez auprès d’eux… Si l’on aperçoit des déserteurs, on les tue !
    – À quoi bon attendre ? fit Audrehem.
    Pour une fois », songea Tristan, « il paraît impatient. Mais c’est parce que l’assaut est repoussé à demain. »
    La nuit vint. Sans les feux des Compagnies, les murailles de Briviesca se fussent confondues aux ténèbres. Tristan se demanda de quoi les maisons étaient faites. Pierre, brique ou pisé ? Flamberaient-elles ? Les manants ne s’étaient sûrement pas couchés. Tandis qu’ils veillaient aux créneaux, leurs enfants frémissaient de peur dans leur lit. Ce serait un assaut détestable. Ignoble parce que injuste : ceux qui tenaient pour Pèdre étaient dans le bon droit : ils respectaient leur serment d’allégeance. Et puis, vraiment : quelle différence entre Pèdre et Guesclin ?
    Paindorge bâilla, s’étira et décida :
    – Yvain et Jean ; allons chercher notre rate 337 de mangeaille… Prenez ces deux bassines et les cruches…
    Les deux frères Lemosquet suivirent d’un pas traînant. Eux aussi redoutaient les périls du lendemain.
    Ils revinrent portant une miche de pain, trois cruches de vin et, dans les bassines, des tranches de bœuf mal cuites. Tout en mangeant sans appétit, Tristan examina les chevaux et la mule. L’immense cheminement depuis le Cotentin ne les avait pas affectés. Il eût certes fallu les étriller ; ce serait pour plus tard. Alcazar paissait lentement l’herbe haute qui poussait à l’entour de la tente ; l’herbe nouvelle, sans doute un peu fraîche, mais grasse.
    – Demain, compères, dit Ogier d’Argouges aux hommes d’armes, tandis que nous serons occupés, vous irez dans ce pré, là-bas. Un ruisseau y coule jusqu’aux marais. Faites en sorte que nos bêtes mangent et boivent. Attendez notre revenue. Je crois que nous ne craignons rien car nous ne serons pas parmi les premiers de l’échelade !
    Des cors sonnèrent. Des hurlements, soudain, trouèrent la grande rumeur des hommes occupés à manger et à échanger leurs vues sur cet assaut aisé en apparence.
    –  Ils font une sortie ! hurla quelque part Naudon de Bagerant. À l’arme ! À l’arme !
    Des lueurs rouges s’élevèrent, immédiatement teintées d’or.
    – Ils brûlent notre bois, dit Paindorge.
    – Du côté des Goddons, dit Lebaudy.
    – Ce sont donc des Juifs, dit Yvain Lemosquet.
    – Ils ont du cœur au ventre, commenta Jean, son frère. On se bat, dirait-on : oyez cette frainte 338  !
    – Cela concerne les Anglais, dit Ogier d’Argouges. J’aimerais connaître les pensées de Calveley et de Shirton. Ils ne ressemblent plus à ceux que j’ai connus. Il semble que ces longues années de guerre leur aient usé le cœur… Mais dormons… Yvain, distribue les couvertures…
    *
    La ruée sur Briviesca eut lieu au milieu de la matinée. Pendant la nuit, les bidaus et les ribauds des compagnies anglaises et les Tard-Venus de France commandés par Bagerant, Lamit, Carsuelle, Espiote, avaient jeté en certains lieux du fossé peu profond et médiocrement curé, des fagots, des pierres, la carcasse d’un cheval et des hommes morts, des ridelles, des roues et des timons de charrettes sacrifiés afin de frayer un large passage aux assaillants. Maintenant, des centaines d’hommes les avaient écrasés sous leur pas. Tandis que des échelles frappaient et raclaient le haut des murs, de gros marteaux, des pics et des houes s’attaquaient à leur base. L’assaut avait été donné de toutes parts. Aux chutes mortelles des écheleurs, Tristan comprit que les Espagnols se défendaient hardiment, déchargeant maintes seilles remplies de pierres sur les gens des Compagnies, particulièrement ceux qui s’acharnaient à rompre un pan de mur.
    –  Faudrait des béliers, dit Naudon de Bagerant… Tiens ! Sang-Bouillant ! Nous voilà du même bord !… Vas-tu te réjouir

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