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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et une mère imprudents, avec la bénédiction du roi de France, ont offerte à un roi terrible, sans rien ignorer de ses vices.
    Il se tourna vers Teresa pour obtenir son assentiment, et fut déçu. La tête inclinée, recueillie, elle observait ce Simon qui devait être son frère avec une sorte de passion qui eût pu être celle d’une mère sachant son fils en danger. Sa robe de tiretaine sinople, touchée de l’or clair du soleil, soulignait des formes pures, nullement épanouies. Son visage de marbre rose demeurait d’une immobilité accordée à celle de ses mains jointes, et cette image de la méditation née d’une angoisse justifiée enveloppait d’une sorte de magnificence qu’elle ne soupçonnait pas. Elle rendait Tristan marqué, triboulé par son deuil récent, plus sensible et plus apte à la compassion qu’il ne l’était d’ordinaire. Il était heureux qu’elle lui offrît la vision peut-être éphémère, mais pour le moment tangible, éclatante, d’une jeunesse mystérieuse qui, dans cette Espagne de sang et de larmes, semblait incarner la douceur, l’amour et la paix. L’esprit plus pauvre, les yeux les plus secs ou indifférents eussent pu résister à l’attrait, mieux même, à la magie que cette vierge exerçait sur lui.
    – Messire, dit-il, s’adressant au drapier, tant que le Trastamare et ses alliés seront à Burgos, vous serez dans l’inquiétude. Je ne vous veux point effrayer, mais il faut voir les gens et les événements tels qu’ils sont.
    Nul ne parlait sauf lui, sans qu’il sût, d’ailleurs, si ces mots que Teresa pouvait trouver légers, inconsistants, révélaient l’intérêt qu’il portait à cet homme ainsi qu’à sa famille.
    – Protégez-nous, messire, dit la jouvencelle. Demeurez jusqu’à ce que ce couronnement soit achevé. Après, ils partiront sans doute pour Tolède. On dit que le roi Pèdre y a cherché refuge.
    Sa bouche s’était serrée sous l’afflux d’une angoisse renouvelée dont elle n’avait point vergogne. Ses yeux clos semblaient chercher une image – laquelle ? – et le chagrin qui, un moment, affermissait ses traits sans troubler leur beauté ardente et fraîche, était de ceux qui sont éternels.
    – Mon fils et son épouse étaient à Briviesca, dit ! Joachim Pastor.
    – Oh ! soupira Tristan, malade de fureur et de honte.
    – Je ne me repentirai jamais assez d’avoir envoyé Nathan et Florina ouvrir là-bas une boutique. Par bonheur, j’avais en garde leurs enfants.
    D’un geste lent, le Juif essuya une larme. Teresa n’en versa aucune, mais sa pâleur, le tremblement de ses lèvres, le bleuissement soudain de ses prunelles, authentifiaient une douleur terrible. Tristan se signa. Serrano l’imita, puis Paindorge et les autres.
    – Que Dieu les ait en Sa Sainte garde et que périssent ces pécheurs sataniques.
    Il semblait qu’ils se fussent tout dit et qu’il allait falloir se séparer pour surveiller de loin la maison -difficile entreprise -, mais Joachim Pastor, prenant Tristan par l’épaule, lui montra, au fond de la cour, une porte large et haute :
    – Mes écuries… Je n’y ai plus que deux genets. Vous êtes neuf hommes pour huit places. En rappro chant chaque bat-flanc de son voisin, presque tous les chevaux seront à l’aise. Les autres resteront dans la cour.
    – C’est dire…
    – C’est dire, messire, que je crains pour nos vies. C’est dire que je vous accorde à tous le gîte et le couvert le temps que don Enrique et ses alliés aient quitté Burgos. Bien sûr, vous coucherez dans la paille et le foin…
    – Nous nous en accommoderons fort bien, dit Paindorge.
    – J’ai deux serviteurs, ajouta Joachim Pastor. Ils vous porteront vos repas, mais vous, messire Castelreng, partagerez le nôtre.
    Tristan s’inclina, heureux que Paindorge n’eût pas été convié à la table du drapier. Il veillerait ainsi sur tous les membres de son troupeau.
    – Je t’abandonne, Robert, le commandement… si toutefois ce mot n’est pas trop fort !
    S’il avait confiance en ses trois Normands et même en Serrano, il ignorait ce que valaient les trois disciples de Lionel. Le guépin pouvait les avoir contaminés. Il se pouvait aussi que Bagerant les lui eût envoyés pour l’espionner ou lui jouer un tour.
    « Jamais je n’ai payé à ce coquin la rançon qu’il avait exigée de moi à Brignais. Je ne lui dois rien mais c’est un trigaud 388  ! »
    Brignais, c’était

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