Les fontaines de sang
anglo-gasconnes. Il s’entendit – évidemment – avec cet aventurier, lui souscrivit, à titre provisoire, une obligation de 2 400 francs d’or, et le chargea de réunir dans le Midi des croisés selon ses critères. Entre le 10 octobre, jour où Guesclin fut à Auxerre, et le 12 novembre, jour où sa présence est constatée en Avignon on ne sait trop ce que fit le Breton, mais Aimé Chérest 421 , par un évidemment qui renforce sa conviction, donne à penser qu’il s’aboucha avec Arnaud de Cervole comme il l’avait fait avec Guardia Raimon pour grossir son armée avec les compagnies revenues d’Alsace et celles qui occupaient encore la Franche-Comté. « Mais », ajoute l’hagiographe de l’Archiprêtre, « les hommes qu’il avait à convaincre ne partageaient pas tous ses bonnes dispositions. » Quelques-uns refusaient d’aller en Espagne, d’autres préféraient demeurer sur les lieux de leurs forfaits. Sans attendre le résultat de négociations longues et délicates, Guesclin quitta la Bourgogne. « On courut après lui », écrit Aimé Cherest, « on le supplia d’user de son influence pour décider les chefs de bandes qui témoignaient le plus de mauvais vouloir. De là cette mention des Comptes de Dimanche de Vitel dont l’analyse inexacte et la date légèrement altérée ont trompé deux fois Siméon Luce. Elle porte la date du lundi 8 novembre 1365 et est ainsi conçue : "À Gillet Mellet, messager du roi et chevaucheur de messire Bertrand du Guesclin qui estoit venus de par le dit messire Bertrand, par devers Bertiquaut et Frère Darrain, et leur avait apporté lettres de par le dit messire Bertrand, contenant que tantost ils se départissent du duchié de Bourgoigne et s’en alassent après li, le quel mesaigier le dit bailli de Chalon, le maistre des foires et le receveur 422 retindrent, et li baillèrent lettres pour porter au dit messire Bertran et à messire Philebert de Lespinasse, toutes contenant qu’ils meissent toutes diligences devers le Saint-Père, etc.
La lettre de Guesclin n’eut aucun effet sur les compagnies rassemblées par l’Archiprêtre. Le 9 novembre 1365, Jean de Sombernon, gouverneur de Bourgogne, envoya un message « par devers Mgr Ernaut de Cervole, afin qu’il feist départir les compaignies estant sur le paiis ». Le 12, on fut contraint d’ordonner de fortifier les défenses car Frère Darre, un des plus cruels routiers d’alors, était annoncé. Le 13, on apprenait qu’Espiote avait « pillé » et volé le cheval d’un chevaucheur du duc Philippe entre Dijon et Messigny et que, nullement satisfait, ce Gascon d’origine, capitaine du comte de Foix, avait déchiré les documents du messager. « Il n’était ni moins habile ni moins redoutable que son ami, Frère Darre », commente Aimé Cherest.
Les bandes qui écumaient le Dijonnais se déplacèrent vers Chalon, sur les traces de Guesclin. Elles atteignirent Argilly et Verdun-sur-le-Doubs. Le lundi 24 novembre, l’Archiprêtre envoya des messages aux malandrins qui s’étaient arrêtés entre Chalon et Chagny pour leur demander d’accélérer le mouvement afin de laisser la place à ceux qui devaient suivre. Ces messages s’adressaient à Espiote, Frère Darre, Guillaume : le Couturier, le bourc Camus, le bourc d’Aussain, le bourc de la Roque, Bertrand de Saint-Pastour (seigneur dévoyé) Pierre d’Oingniel, Jeannot le Nègre, Bardet de Roussillon etc., qui, pour la plupart, avaient ravagé l’Alsace en compagnie de l’Archiprêtre.
Tous ces hommes rejoignirent-ils Guesclin ? C’est peu probable, mais certains d’entre eux commençaient à douter de pouvoir toujours exercer leur sanglante tyrannie sur leurs contrées de prédilection. Ils avaient été battus devant l’abbaye de Bellevaux par les troupes franc-comtoises commandées par Jean de Vienne, sire de Roulans, futur maréchal de France Jean d’Argueil et Hugues de Cromary.
L’Archiprêtre, comme au temps heureux, espérait être sollicité par Charles V ou Philippe le Hardi. Or, ils étaient informés, sans doute, du double jeu qu’il n’avait cessé de pratiquer dans toutes les batailles : Poitiers, Brignais, Cocherel, etc. Il se croyait le seul capable de débarrasser les rives de la Saône des hordes qui les infestaient. Il n’y parvint pas. Sans doute avait-il espéré s’adjoindre quelques solides Anglais comme Calveley, et des Anglo-Gascons tels que Gallois de la Motte. Naudon de
Weitere Kostenlose Bücher