Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
la dague et épée…
    –  Oh ! fit Béatrix.
    Une grimace de répugnance anima sa belle bouche pâle, cependant qu’elle gardait les paupières baissées pour qu’on ne vît pas, sans doute, de quelle fureur ses yeux s’étaient emplis.
    – Ils montent à cheval et à mulet, ce qu’on ne saurait voir ailleurs qu’en Espagne.
    – Tudieu ! s’exclama Lebaudy.
    Tristan se contentait d’écouter, tout comme son beau-père, en s’efforçant de conserver un visage de marbre. Il ne savait trop ce qu’il fallait penser des Juifs. On les avait accusés d’avoir propagé la peste noire de 1348, les uns intentionnellement en empoisonnant les puits, les autres involontairement par leur malpropreté originelle. La première accusation lui semblait abominablement absurde. La seconde le faisait sourire car, en fait de malpropreté, bon nombre de chrétiens eussent pu supplanter les Juifs.
    – À mesure que les princes catholiques ont reconquis leur pays sur les Mahoms, la faveur des Juifs, que l’on détestait comme eux, s’est mise à décliner petitement. Mais le rôle des banquiers, usuriers, commerçants est si important qu’ils ne se sentent point menacés. Pour que certains d’entre eux – les petits – soient justiciables du Saint-Office, il faut que leurs paroles ou leurs écrits aient cherché à détourner des chrétiens de la foi de leurs pères… Mais comment pourrait-on les mépriser ? Tous ceux que j’ai connus étaient dignes d’estime.
    – Vous les soutenez ! s’écria Quesnel, un index tremblant pointé sur le clerc.
    – Je ne les soutiens pas, se défendit sans hargne frère Isambert. Je dis la vérité. Si elle t’écorche les oreilles, va te coucher.
    – Il a raison, dit Adèle qui, avant de s’exprimer, avait obtenu l’agrément d’Ogier d’Argouges. Nous ne savions rien de ce pays. L’occasion nous est fournie d’en apprendre quelque chose. Ce serait marmouserie que d’y renoncer… à cause des Juifs !… Bois un coup, archer. Respecte l’attention que nous portons au récit de notre bon chapelain !
    Chapelain ! Les yeux d’Isambert cillèrent. Un bonheur ineffable empourpra sa face déjà rougeaude et ses mains se joignirent. Chapelain ! Il réintégrait son ancienne sinécure après quelques jours de probation. Sans doute, dame Adèle n’était-elle pas étrangère à ce retour en grâce qu’Ogier d’Argouges tenait à lui signifier d’un sourire que seul Quesnel parut désapprouver.
    – Eh bien, eh, bien… Où en étais-je ?… Ah ! Oui : les Juifs.
    Frère Isambert rassembla ses pensées.
    – Certains, dit-il, frottant sa bure à l’emplacement du ventre, certains craignant des persécutions comme il s’en produit un peu partout dans le monde, se sont convertis à la foi chrétienne.
    – Des couards ! grommela Jean Lemosquet approuvé par son frère.
    Ogier d’Argouges se détacha du piédroit contre lequel il s’était adossé :
    – Je conçois l’indignation qui anime quelques-uns d’entre vous, mais je la trouve intolérable. À la prochaine interruption malveillanté, je prierai le malebouche d’aller au lit !
    Les soudoyers échangèrent des regards que Tiercelet surprit et désapprouva. Le brèche-dent, cependant, resta coi. Tristan fut rassuré sans trop savoir pourquoi. Luciane dont le poids commençait à peser sur ses genoux étouffa un bâillement.
    –  Oui, reprit Isambert, ils se sont convertis… du moins en apparence car ils continuent de pratiquer secrètement leurs rites anciens. Ils fêtent le sabat en recueillette 147 et en ce jour majeur d’Israël, ils n’allument point de feu, se revêtent d’une chemise blanche, prononcent des bénédictions sur la coupe de vin qu’ils se passent à la ronde, ne mangent pas de ceci ou de cela. On leur a donné le nom de conversos mais, je le répète, ils sont peu nombreux. Ceux qui n’ont pas abjuré, les Juifs les meilleurs, les plus astucieux, les plus intelligents sont parvenus à accéder aux marches du trône…
    – C’est… commença Quesnel sans achever.
    – Il faut vous dire, reprit Isambert à regret, que le Clergé d’Espagne est tellement corrompu qu’il ne peut s’opposer par l’exemple d’une intégrité, d’une chasteté, d’une sainteté admirables à ces sortes d’élévations. La plupart des prêtres, des plus grands aux plus petits, ont une ou plusieurs compagnes.
    – Oh ! suffoquèrent toutes les dames, sauf Luciane qui

Weitere Kostenlose Bücher