Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’eau pour préserver son coursier ?
    – Si tu veux occuper la selle que j’occupe, il te faut tout d’abord ôter tes éperons.
    Les murmures, un instant suspendus, reprirent et cette fois, une espèce d’indignation les teintait.
    – Ôter ses éperons, murmura Ogier d’Argouges à l’oreille de son gendre, c’est comme si tu exigeais qu’il s’émascule lui-même en public. Jamais il n’y consentira.
    Tristan trouva la comparaison bienvenue. Le Breton était trop fier pour consentir à retirer de ses talons les grosses molettes de bronze doré qu’il aimait à entendre tinter.
    – Ensuite ? demanda-t-il entre deux rires qui en suscitèrent d’autres parmi les guerriers du commun pour lesquels il était un exemple de réussite.
    – Que tu consentes à ce que je t’accompagne… non point pour assister à des parlures dont je n’ai nul souci mais pour veiller sur mon cheval dès que tu l’auras quitté. Ces gens sont des robeurs comme oncques n’en vit, et je tiens à Alcazar comme à mon épée.
    – Autant qu’à ton épouse ?
    Guesclin tentait de reprendre le dessus.
    – Tiens-tu à ton cheval autant qu’à ta Tiphaine ?
    Soufflant alternativement le chaud et le froid, Tristan sentait parfois sur lui, tout aussi pesante que leurs regards, la désapprobation des nobles et de leurs écuyers. Tous semblaient prendre sa façon de se récalcitrer comme une leçon instiguée à leur intention. Frère Béranger Gayssot apparut au premier rang des curieux.
    –  Instar montis equum , récita-t-il d’une voix compassée qui lui était inhabituelle.
    Guesclin dut se croire jugé.
    –  Non pour mes éperons, dit-il, mais oui pour ta présence.
    Était-ce une victoire ? En tout cas, ce n’était pas une défaite.
    – J’accepte, dit Tristan.
    Il ne cesserait de surveiller le Breton tandis qu’ils chevaucheraient heuse à heuse. Il découvrirait avant les autres chevaliers à quels malandrins il aurait désormais affaire. Car il ne doutait pas que Guesclin les convertirait à la cause française sans les convertir à l’honnêteté.
    – Tu as gagné, dit Ogier d’Argouges. Ah ! Certes il ne te mangera pas dans la main, mais il te respectera… jusqu’à ce qu’il te pourfende. Car malgré son sourire, son ayr 190 envers toi est énorme : tu l’as offensé, moqué sans merci devant cent témoins.
    Toujours ce tutoiement, signe d’admiration.
    – Je vous regracie, beau-père.
    – Tu peux me dire tu  : nous sommes chevaliers. Les frères se tutoient ; nous sommes frères d’armes.
    « Certes », songea Tristan. « Tu étais de moins bonne accortise avec moi quand tu m’as presque bouté hors de ton châtelet. »
    –  Plus tard, dit-il avec un sourire contraint. Laissons faire le temps.
    Les hommes qui s’étaient massés entre Guesclin et lui poussaient leurs chevaux à l’écart. Il reconnut quelques guicliers 191 bretons, les uns à pied, les autres montés, dont il avait entendu les noms à Cocherel et dont les faces de saigneurs de toutes sortes d’espèces étaient inoubliables : Orriz, Couzic, Pénéodic, Quéguiner, Hénaff, Paimpol, Plouha, Plouher, Lanvellec, Morlaix, Plouenan. Certains d’entre eux lioubaient 192 le manche de leur hache ou de leur guisarme et manger devant des têtes ou des membres coupés ne leur eût pas fait perdre l’appétit. Ils côtoyaient Jean de Bourbon, la mine renfrognée ; Pierre de Villaines qui bégayait quelque chose à Antoine de Beaujeu, agacé, semblait-il, d’attendre la venue d’un mot entier ou d’un verbe, et Jean Kerlouet qui trépignait, apparemment désobligé que son dieu n’eût point exercé sur un impertinent les foudres de son autorité. Une bannière monta dans les ténèbres : Écartelé aux un et quatre d’azur au lion d’or, aux deux et trois de gueules à neuf losanges d’or posés trois, trois, trois : les armes du Bègue, le plus célèbre de la meute.
    – Prépare-toi, Tristan, dit Guesclin, familier.
    – Soit. Je te prêterai Alcazar quand nous serons prêts à partir.
    – Veux-tu mon cheval en échange ?
    – Non : je chevaucherai celui de mon beau-père…
    – Après avoir chevauché sa fille.
    C’était un trait d’une ironie bêtasse. Mais que pouvait-on espérer d’autre d’un gros fienteron monté en graine ? De la graine de connétable chuchotaient certains, et non les moindres. Sacredieu ! Aller jusqu’en Espagne auprès d’un pareil ribaud ne serait

Weitere Kostenlose Bücher