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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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il
pourrait nous mieux servir en feignant de conserver son attitude précédente favorable
aux factieux.
    — Qui est-il ? demanda le comte de
Nissac.
    Le Premier ministre hésita un instant, puis
répondit un peu brusquement :
    — Il est bien jeune et vous doit la vie :
Henri de Plessis-Mesnil, marquis de Dautricourt. Il attend derrière cette porte.
    Nissac hocha la tête et le cardinal ouvrit au
jeune homme qui entra vivement, salua Mathilde avec déférence et regarda le
comte de Nissac en souriant.
    — Ah, monsieur !… Peut-être l’avez-vous
oublié tant sont multiples vos aventures mais pour ce qui me concerne, il n’est
point de jour où je ne me souvienne de cette nuit obscure et glacée où eut lieu
ce duel entre les tombes… Il n’est de matin où m’émerveillant de la beauté du
monde, ébloui par le bonheur de l’existence, je n’aie pour vous grand sentiment
de reconnaissance. Dix fois je fus tenu au bout de votre épée à quelques
secondes d’être tué, et toujours vous différiez cet instant. Fol que j’étais, qui
croisais le fer avec le chef des légendaires Foulards Rouges.
    Il hésita un instant et reprit, toujours d’un
ton de passion :
    — À quoi dois-je la vie, monsieur : à
ma jeunesse ?
    — Non, à votre rare bêtise ! rétorqua
le comte de Nissac.
    Mathilde de Santheuil, le visage soudain
empourpré par la colère, posa délicatement sa main sur l’avant-bras du comte :
    — A-t-il porté l’épée contre vous ?
    Le bouillant marquis ne laissa point au comte
le temps de répondre et, s’adressant à la baronne :
    — J’ai tenté, madame, et échoué d’affligeante
façon !
    Mathilde le toisa de haut.
    — Je ne vous parle point, monsieur le freluquet.
    Puis, au cardinal :
    — Votre Éminence, permettez-moi de
quitter cette pièce.
    Sans attendre la réponse, elle se dirigeait
déjà vers la porte lorsque Henri de Plessis-Mesnil, marquis de Dautricourt, la
rattrapa, mit un genou en terre et baisa le bas de sa robe.
    — Ah, de grâce, madame, ne m’accablez
point, je suis bien coupable !
    Un long silence succéda à ces paroles, d’autant
que le marquis se plaça à genoux tout de bon, tête baissée, l’air accablé.
    En bon Italien, Mazarin goûtait fort cette
situation qu’il plaçait entre tragique et bouffonnerie. Il se retint même d’applaudir.
    Davantage en la pudeur de leur caractère, Mathilde
et le comte échangèrent un regard gêné.
    Ce fut Mathilde qui mit un terme à cette
situation qui risquait de se prolonger tant que le marquis n’aurait point
entendu quelque parole apaisante :
    — C’est bien, monsieur, relevez-vous. Avec
le temps, on vous pardonnera peut-être.
    — Ah, merci, madame, vous verrez bientôt
qui vous obligez !
    Cette fois, n’y tenant plus, le cardinal
applaudit tandis que le marquis se relevait et saluait, accentuant
involontairement le caractère théâtral de toute cette scène.
    — Bravo !… Bravissimo !… lança
Mazarin.
    Le comte de Nissac attendit quelques instants
puis, d’un ton lugubre :
    — Pourrions-nous parler des problèmes
militaires, monsieur le cardinal ?

44
    Le prince de Condé, et six de ses partisans, avaient
quitté Agen occupé par ses troupes le 24 mars 1652, dimanche des Rameaux.
    De tous, le prince de Condé semblait le plus
endurant bien qu’il fût mince, presque efflanqué. La fatigue creusait son
visage mais agrandissait ses magnifiques yeux bleus.
    À ses côtés, le duc de La Rochefoucauld tenait
difficilement à cheval, une crise de goutte le faisant terriblement souffrir.
    Il fallait soutenir certains qui, comme le
prince de Marsillac, s’évanouissaient en selle. D’autres étaient si épuisés qu’ils
titubaient et s’effondraient en descendant de leur monture.
    À chacun, le voyage qui menait d’Agen à
Orléans paraissait interminable mais le prince ne voulait pas perdre un instant.
Il savait la puissance qui se massait en bord de Loire : ses vieilles
troupes du nord, grossies de l’armée recrutée par le duc de Nemours aux
Pays-Bas, ainsi que les soldats de Gaston d’Orléans que menait le duc de
Beaufort. Une force considérable. En frappant vite et avec grande violence, comme
à son habitude, le prince de Condé pouvait espérer tailler en pièces l’armée
royale. Alors, tout serait possible.
    Ne s’arrêtant pas plus de deux heures aux très
rares étapes, chevauchant de jour comme de nuit, le prince voyagea pourtant une
semaine.

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