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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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d’un
regard. Celui-ci l’encouragea d’un petit geste nerveux.
    — Qu’en pensez-vous, monsieur le baron ?
    Galand haussa les épaules.
    — Ferrière, lorsque nous sommes seuls, laissez
de côté cet encombrant baron.
    — Mais comment dois-je vous appeler, alors ?
    — Eh bien ne m’appelez point. Quant à ce
que je pense, c’est assez simple. Le cocher aux cicatrices, c’est semblable
témoignage à celui d’un certain Theulé, voilà trois ans. L’homme, ce prétendu
cocher, existe bien, il est la créature de l’Écorcheur et l’Écorcheur s’intéresse,
ou s’est intéressé, à madame de Santheuil…
    — Quelle étrangeté, ces cicatrices !
    — Au moins, mon bon Ferrière, cela se
remarque.
    — Si j’ai bien compté, en les deux bras, cela
fait près de trente. Comment une telle chose est-elle possible ?
    Galand, amusé, observa Ferrière de ses yeux
rusés. Ferrière fut pénétré de l’intelligence foudroyante qui émanait de ce
regard. De toute sa vie, il n’avait à ce point admiré un homme, aussi
écouta-t-il attentivement le baron lorsque celui-ci expliqua :
    — L’Écorcheur est un grand seigneur. Son
cocher, à entendre Theulé et à présent la veuve du maître verrier n’est point
cocher mais gentilhomme. C’est… Que sais-je ?… Un colonel ?… Un baron,
comme je le suis moi-même ? Qu’importe ! Ces cicatrices sont des
coups de stylet, ceux-là mêmes qui servent à écorcher les victimes qu’il s’amuse
à impressionner en essayant ainsi son instrument sur son soi-disant cocher.
    — Mais d’où vous vient cette certitude ?
    — De l’expérience. Retenez la chose, Ferrière :
un bon policier doit tout savoir de son sujet.
    — Je ne comprends point…
    Galand se baissa et cueillit un crocus.
    — L’Écorcheur s’amuse. Qu’est-ce qu’un
coup de stylet ?
    Il souleva sa manche ; trois cicatrices
rayaient son avant-bras. Il reprit :
    — Mais oui, Ferrière, j’ai essayé !…
C’est à peine douloureux lorsque c’est infligé à la volée en un geste vif. Du
sang, un pincement, rien de plus. Mais regardez plus haut…
    Ferrière observa une cicatrice différente, longue,
boursouflée et de très vilain aspect.
    Galand porta le crocus à ses narines, sembla
très déçu par son parfum, le jeta par-dessus son épaule d’un geste négligent et
expliqua sobrement :
    — J’ai tenté de m’écorcher. C’est très
grande souffrance et vous le savez, Ferrière, je ne suis point un lâche. Aussi
je pense que les victimes souffrent moins qu’on ne le croit, s’évanouissant
sans doute sous la douleur… Mais voyez-vous, mon ami, il en est du stylet comme
du chat : sa patte est douce, ou elle griffe cruellement. Tout se décide
par la manière.
    — Mais… Pourquoi tout cela ?
    Le baron de Galand monta en selle, puis se
pencha vers son lieutenant :
    — L’Écorcheur considère le crime comme un
art. Il faudra s’en souvenir, Ferrière, il faudra s’en souvenir !

45
    Le général-comte de Nissac avait repris le
commandement de ses batteries d’artillerie sans pour l’instant les aller
visiter car une mauvaise nouvelle arrivait : Orléans venait de tomber aux
mains de la Fronde. Le chute de la puissante ville était due à l’action rapide
de Marie-Louise de Montpensier, fille de Gaston d’Orléans, dont on disait qu’elle
était la seule Frondeuse qui fût laide, ce qui ne paraissait point tout à fait
faux à voir son très grand nez et son menton fuyant. D’autres ajoutaient qu’elle
serait demi-folle à quoi certains répondaient aussitôt : « Pourquoi
seulement à demi ? »
    Quoi qu’il en fût, la « Grande
Mademoiselle », fille de Monsieur, n’avait point froid aux yeux. Avec son
détachement féminin, formé de grandes et jolies dames de la noblesse, et aidée
de complicités en la ville, elle venait de faire basculer Orléans en l’escarcelle
de la Fronde.
    Toutefois, la perte de cette place de premier
plan sur la Loire n’affecta point grandement le roi qui décida de contourner la
ville en passant par Gien.
    Nissac, présent au Conseil, objecta cependant
que Beaufort et l’avant-garde frondeuse réagiraient sans doute en s’emparant du
pont de Jargeau depuis la rive droite afin d’interdire le passage à l’armée
royale.
    Le jeune Louis XIV estimait Nissac pour
sa fidélité sans faille car Turenne, bien que repentant et ayant agi par amour,
avait trahi une fois. En outre, le général

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