Les foulards rouges
exterminer le maréchal d’Hocquincourt et ses troupes
mais il ne renonçait point à les mettre en fuite, quitte à user de quelque
artifice. À cet effet, il fit sonner la charge par ses clairons tandis qu’on
donnait également les tambours et les cymbales, de sorte qu’Hocquincourt
imagina qu’il voyait, passant le pont, une simple avant-garde et que l’armée
victorieuse de la Fronde suivait tout entière.
Le stratagème fit merveille puisque le
maréchal abandonna en grande hâte une position si favorable, et si
judicieusement choisie, pour se retirer derrière le village que les hommes de
Condé incendièrent après l’avoir pillé.
L’incendie des toits de chaume, que le prince
n’avait point ordonné, se révélait une lourde erreur car à la lumière des
flammes, Hocquincourt s’aperçut que Condé ne disposait que d’une centaine de
combattants qu’il chargea incontinent avec les neuf cents survivants de sa
cavalerie.
Condé, contraint à une position défensive, se
plaça au tout premier rang entouré des princes et des ducs et l’on ne peut nier
que tous ces gens de Fronde, si lâches en politique qu’ils demandaient l’aide
de l’étranger contre leur pays pour satisfaire leurs affaires personnelles, montraient
en revanche un grand courage au combat.
Princes, ducs et leurs compagnons essuyèrent
un violent tir de mousqueterie sans reculer mais le duc de Nemours, blessé à la
hanche, perdit connaissance et tomba de cheval.
Les escadrons d’Hocquincourt chargeaient deux
par deux et sans doute les Condéens auraient-ils plié lorsqu’on entendit de
nouveau les clairons tandis qu’arrivaient des renforts de cavalerie de la
Fronde.
Le maréchal d’Hocquincourt hésita. Il ignorait
qu’il ne s’agissait que de Beaufort et d’une trentaine de cavaliers, c’est-à-dire
à peu près rien, imaginant une fois encore que toute l’armée de Condé se
précipitait sus à lui.
Avec audace, et un évident courage, Beaufort
attaqua de face, ce que voyant, Condé, La Rochefoucauld et leurs amis
attaquèrent d’Hocquincourt par le flanc.
En proie au doute qui le torturait, le
maréchal d’Hocquincourt rappela ses forts escadrons tandis que le petit nombre
de Frondeurs attaquait sans relâche. Ni le maréchal, ni ses généraux ne
parvenaient à faire entrer en leur esprit que le prince de Condé était homme à
attaquer à un contre dix mais tout au contraire, sa frénésie laissait à penser
qu’il n’agissait point seul, et qu’arrivaient les milliers d’hommes de son
armée.
Tel se trouvait être exactement ce que le
prince espérait faire accroire à ses adversaires.
La panique s’en mêla et bientôt, sans qu’elle
reçût nul ordre en ce sens, la puissante cavalerie du maréchal d’Hocquincourt
tourna bride pour ne s’arrêter qu’à Auxerre après que le prince l’eut
poursuivie pendant quatre heures.
Pendant ce temps, plus lente à manœuvrer, l’infanterie
du prince exterminait les derniers défenseurs de Bleneau et, sous le contrôle
des officiers, s’emparait de la vaisselle d’argent de monsieur le maréchal d’Hocquincourt
ainsi que de son or, ses bijoux et tous ses bagages abandonnés en sa fuite précipitée.
En outre, tout l’équipement et plus de trois
mille chevaux de l’armée du roi étaient capturés par la Fronde.
Pour l’armée royale, la défaite paraissait
écrasante d’autant que les fuyards ne manquaient pas, arrivés à Briare et à
Gien, de donner force détails sur l’extrême violence des Condéens ainsi que sur
la victoire foudroyante du prince.
À la Cour, que saisissait la panique, certains
y virent la main du diable car comment pouvait-on attaquer tous ensemble, au
même instant, sept villages éloignés les uns des autres ; et quel esprit
humain pouvait imaginer plan si audacieux ?
Ayant une vague idée de ce qu’il convenait de
faire sinon pour sauver le roi, au moins pour sauver l’honneur, le maréchal de
Turenne quitta son camp et sauta à cheval pour se rendre à la Cour non sans
avoir fait hâter les préparatifs de son armée et demandé au général de Nissac
de concevoir quelque plan hardi où sa magnifique artillerie compenserait du
mieux qu’il fût possible le déséquilibre entre les effectifs.
Puis, sachant qu’il aurait à affronter des
courtisans et conseillers affolés, monsieur de Turenne poussa son cheval en
affûtant ses arguments.
51
À Gien, en effet, la panique la plus totale
régnait chez les
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