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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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duchesse de Luègue se tenait assise devant
sa fenêtre, portant chemise très courte qui s’arrêtait en haut des cuisses, au-dessus
d’un premier bandage, quand un autre lui serrait le poignet droit.
    Défaite, solitaire, rêveuse et triste, elle n’en
était que plus belle. Pour recevoir son visiteur, elle tourna à demi le tête, lui
révélant un ravissant profil où se remarquaient adorable petit nez et bouche
entrouverte en un émouvant arrondi :
    — Vous êtes bien bon de me venir voir, marquis,
car voyez-vous, en le camp de la Fronde, blessée, vous n’êtes plus utile à rien
et oubliée sur l’heure.
    — La Fronde ne saurait remplir toute une
vie, madame.
    Surprise par la maturité de la voix et la
sûreté du ton, elle se retourna tout de bon… et reconnut à peine le marquis de
Dautricourt.
    Beau, il l’était toujours, et même davantage
que par le passé mais grande virilité lui était venue ainsi que sensible charme
dont elle ignorait l’origine.
    Elle se leva, s’approcha en boitillant et, un
indéchiffrable sourire aux lèvres, effleura d’un doigt léger le foulard rouge
noué autour du cou du jeune homme en disant :
    — Ainsi, marquis, vous êtes de ces
Foulards Rouges qui servent le cardinal ?
    — Et le roi. Je prends grand risque en
vous le révélant, madame, car vous pourriez trahir ma confiance.
    Charlotte soupira :
    — Madame de Santheuil en est aussi, elle
portait semblable foulard pendant le duel. Et le comte de Nissac, votre chef. Et
ce très galant baron de Fervac. Quelques autres encore, je présume. En voilà, une
bande étrange !
    — Duchesse, me laisserez-vous vous parler
sans m’interrompre ?
    — Pour cela, monsieur, il suffira que vos
paroles m’intéressent.
    — J’en doute, car vous avez déjà dû les
entendre bien des fois.
    Elle l’observa attentivement, luttant contre
une idée qui s’imposait plus fort d’instant en instant : « Mais je l’aime ! »
    Elle dut faire effort pour adopter ton d’indifférence :
    — Eh bien parlez, à la fin.
    L’artifice réussit au-delà de ce qu’elle
espérait et elle vit l’instant où le jeune homme, découragé, allait partir
après un bref salut de stricte convenance.
    Cela, elle ne le souhaitait à aucun prix. Elle
ne voulait pas se retrouver seule en ce grand hôtel où nul ne la viendrait voir,
elle ne voulait plus d’amants indifférents aussitôt qu’ils avaient obtenu ce qu’ils
désiraient d’elle et qui se trouvaient toujours semblable chose, elle ne
voulait pas voir partir un homme dont la constance ne s’était jamais affaiblie,
avec ce petit quelque chose en plus qui s’appelle l’amour et qui, après longue
recherche, se découvre d’un coup, comme clochette de muguet sous la feuille.
    Elle s’approcha, et le regarda dans les yeux
en lui adressant un pauvre petit sourire, presque enfantin, qui bouleversa le
marquis.
    Il ne sut jamais où il trouva la force de
parler :
    — Madame, avant toute chose, je vous aime.
Ce n’est point d’aujourd’hui, mais à l’instant où je vous aperçus et pour toute
la durée de ma vie, même si sur l’instant vous me faisiez jeter dehors par vos
laquais.
    — Poursuivez !
    — Oui, je combats pour le roi, le
cardinal et le royaume des lys comme me l’a demandé monsieur mon père en le
dernier souffle de sa vie. Oui, je ne regrette point de trahir monsieur de
Condé qui lui-même trahit son roi et pactise avec l’étranger. Oui encore, mille
fois oui, j’appartiens aux Foulards Rouges qui, commandés par un comte, comprennent
en leurs rangs une baronne, cinq barons, le marquis qui vous fait face et ne
constituent point « bande étrange » comme vous le dites, ou bien
alors c’est que l’honneur est étrangeté.
    — Je crois entendre le comte de Nissac !
    — Nous aimons le comte de Nissac. Vous l’avez
aimé aussi, peut-être pas de la meilleure manière car le cœur est parfois
trompeur quand il décide trop soudainement des choses. Sachez-le, madame, je
suis fier de l’amitié que me porte le comte de Nissac, bien que vous eussiez
été sa maîtresse et que, moi-même, je vous aime.
    — Poursuivez.
    — Enfin, et ces paroles vous seront sans
doute fort déplaisantes, je veux plaider pour madame de Santheuil qui est femme
de cœur et d’élégance. Je sais tout de ce duel par monsieur de Fervac, la
meilleure lame des Gardes Françaises, et qu’on ne trompe point à l’épée. Quand
vous ne cherchiez

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