Les foulards rouges
chaîne du bouc.
— Vous partez ? demanda, mortifié, le
capitaine des mousquetaires.
— Les Foulards Rouges sont trop loin et
je leur dois trop franche partie de rire. Qui sait s’ils ne nous ont pas
préparé quelque « buisson ardent » avec la paille du bouc ? Vous
avez trente mousquetaires, ils sont quatre : je vous laisse l’honneur de
leur capture.
Déçu, le capitaine des mousquetaires lança :
— Revenir ainsi, ayant échoué !… Revenir
les mains vides !…
Le colonel de la Milice tira le bouc par sa
chaîne, puis il regarda le capitaine et, juste avant d’exploser de rire, il
lança en désignant le bouc :
— Mais point du tout !… Je ramène un
prisonnier à votre duc de Beaufort !
Tous les Miliciens partirent à nouveau à rire
sous le regard glacé des mousquetaires puis, entre les larmes que lui arrachait
l’amusement, le colonel s’éloigna en emmenant ses miliciens et le bouc captif.
Il maugréa en gémissant :
— « Le diable à Paris ! »…
Tudieu !…
Les mousquetaires
humiliés avaient regagné du terrain ne s’étant point fatigués, tels les
Foulards Rouges, à errer longuement dans les ténèbres avant d’atteindre le
cénotaphe.
À l’entrée d’une ligne droite qui menait l’égout
fort loin, Nissac, Fontignac, Fervac et Florenty ouvrirent un feu de mousquets,
tuant trois de leurs adversaires et tiédissant l’ardeur des autres.
Le comte de Nissac ne laissait point à ses
compagnons le soin de porter madame de Santheuil, toujours inanimée mais, fatigué,
il ralentissait leur allure.
Le baron de Frontignac s’impatienta :
— Mais à la fin, Florenty, ils sont
interminables, ces égouts !
— Près de sept lieues. Mais ils
communiquent souvent avec des galeries de mines et des carrières fort anciennes.
Bien que pressés par les mousquetaires, les
Foulards Rouges s’émerveillaient parfois de pièces d’eau souterraines, découvraient
les soubassements et caves d’églises rasées depuis longtemps, trouvaient pièces
d’or, armes rouillées et ossements humains, autels dissimulés sous terre aux
premiers temps du christianisme alors persécuté…
On s’arrêta un instant et s’assit près d’un
petit lac souterrain. Nissac, ôtant son gant, posa sa main sur le front brûlant
de Mathilde :
— Elle a la fièvre.
Le baron de Frontignac avait justement opinion
sur la chose :
— Pour la fièvre, le « chaud mal »,
il n’est qu’un remède : poser sur le cœur de madame de Santheuil cœur d’une
grenouille de rivière.
— Me direz-vous, Frontignac, où je puis
trouver cœur de grenouille en pareil endroit ? répondit Nissac avec
lassitude.
Le baron de Fervac observa longuement, et non
sans méfiance, le baron de Frontignac puis il se décida :
— Et contre la soif, baron, avez-vous
remède simple ?
Frontignac n’hésita point :
— Il faut mettre en sa bouche pierre
triangulaire que l’on trouve en la tête des carpes.
Fervac murmura.
— Malheureusement, je n’ai point là de
carpe disponible afin de lui ouvrir la tête pour lui ôter pierre triangulaire
et la mettre en ma bouche.
Fontignac en convint :
— Alors mettez-y une feuille d’oseille
ronde !
Fervac regarda autour de lui :
— C’est que je n’en vois point !… Il
n’y a ici que des champignons qui semblent pourris. Feraient-ils l’affaire ?
Au loin, on entendit de nouveau les
mousquetaires dont les fourreaux des épées heurtaient les parois.
Le comte de Nissac regarda ses compagnons.
— Il faut en finir, avec ceux-là !
Cette portion d’égout
était fort longue et les mousquetaires s’y engagèrent vivement.
Ils distinguèrent au bout de la ligne droite
un homme qui éteignait sa torche et, heureux de voir enfin l’adversaire, ils
prirent le pas de course avec beaucoup de détermination, ignorant que, là-bas, le
comte venait d’allumer une mèche.
Une portion du souterrain s’effondra devant
les mousquetaires qui, après un instant de flottement, revinrent en arrière où,
à l’autre extrémité de la ligne droite, le baron de Frontignac allumait une
autre mèche.
Une partie de la voûte croula en un nuage de
poussière et les mousquetaires furent pris au piège, aucune galerie latérale n’existant
en la portion d’égout où ils étaient captifs en raison des éboulements.
Cependant, se souvenant de la mort atroce des
Vikings, le comte de Nissac n’avait point désiré enterrer vivants et
Weitere Kostenlose Bücher