Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
poulets dodus qui rôtissaient sur trois broches :
    — Ce froid ouvre l’appétit. Puis-je vous
inviter ?
    Bien que ce ne fût point du tout là son genre,
le lieutenant de police criminelle parut surpris :
    — C’est un très grand honneur, monsieur
le comte.
    On passa commande. Les deux hommes furent
rapidement servis.
    Le lieutenant de police criminelle, le vin
aidant, se détendit, sans jamais devenir inattentif, d’autant qu’il fut bientôt
question de l’« Écorcheur ».
    — Comprenez, monsieur le comte, Paris est
peuplé de près d’un demi-million d’habitants. Pour la seule année 1643, où sur
mon insistance les chiffres furent soigneusement relevés, trois cent
soixante-douze hommes et femmes ont été assassinés en cette ville. Et en six
ans, la situation s’est sans cesse aggravée.
    — Mais l’homme que nous recherchons, c’est
tout autre chose !
    Le lieutenant de police criminelle reposa le
pilon en lequel il mordait.
    — Certes. L’Écorcheur n’est point comme
les autres. Nos criminels habituels, si j’ose ainsi dire, obéissent à des
raisons pour moi sans surprise. Le mari jaloux qui tue sa femme en la
surprenant au lit avec un autre, la rixe qui tourne mal, l’ivresse et les
moments de folie qu’elle provoque. Pour d’autres, ils ne font que suivre une
pente naturelle qui les mène au crime. Les caimands [11] , les
estropiats [12] , coupe-bourse, tire-laine !… Les barbets [13] , les ribauds, les ruffians, toute cette canaillerie… Notre Écorcheur, lui,
c’est beaucoup plus étonnant.
    — Pourquoi a-t-il un comportement si
sauvage ? On dirait d’un loup-garou.
    — Je me suis bien souvente fois posé
cette question. L’Écorcheur n’est point un fou mais un pervers, et c’est là
chose bien différente pour qui a de la mesure. Nous savons peu sur cet homme, il
faut force menaces pour arracher un témoignage. Voyez-vous, il met de l’intelligence
en ses horribles crimes, on ne peut le nier. Il est servi, et bien servi, par
des créatures qui lui obéissent en toutes choses. Il aurait deux cavaliers d’escorte
et beau carrosse au blason dissimulé. Il ne tombe pas par hasard sur ses proies
et j’en conclus qu’elles sont enlevées au préalable, ce qui doit nous faire
songer que d’autres encore de ses gens s’occupent de cette activité. Enfin, il
y a le problème des corps. Cette chose horrible qui fut une jeune fille dans
son cercueil de verre posé sur les marches d’une église. La foule effarée, les
hauts cris, prières et lamentations et chaque fois, j’ai vérifié, voilà un
homme qui surgit on ne sait d’où, qui fait monter la fièvre de la foule. Une
pierre est lancée, le cercueil brisé. Par ce qui semble on ne sait quel hasard,
qui n’est point hasard mais répétition, un complice surgit, jette des
branchages, de la poix et allume le feu. Pour la foule, cela tient de… excusez
le mot… de l’exorcisme ! On hurle, on danse, on bat des mains pour saluer
l’évanouissement en fumée de l’horreur absolue. Mais comme me le faisait
remarquer avec grande justesse de vue un vieux curé, la preuve s’en va elle
aussi en fumée.
    — C’est diabolique !
    — C’est fait avec intelligence, monsieur
le comte.
    Le lieutenant de police criminelle, ayant
repris son pilon, mastiquait en songeant à autre chose puis, regardant le comte
dans les yeux.
    — Une fois, pourtant, il n’en alla point
ainsi.
    — Mais parlez !
    — Une pluie d’automne, soudaine et
violente. Toutes les tentatives pour incendier le corps furent vaines. On
enterra bien vite le cadavre et les complices de l’Écorcheur ne purent
intervenir. Sans doute pensèrent-ils le faire à la nuit mais, prévenu, je les
ai précédés, couvrant les quatre lieues à bride abattue. Mes quatre fidèles
archers me rejoignirent avec un chariot. J’emportai le corps déterré. Il me fut
facile de constater que la jeune fille avait été violée avant que n’ait lieu l’habituelle
boucherie.
    — Il faut que je voie ce corps.
    — C’est possible, monsieur le comte, mais
je vous le déconseille. Sa vue soulève les cœurs, même les mieux accrochés.
    — Je suis soldat. J’ai vu des centaines
de cadavres.
    — Ça n’a rien de commun, monsieur le comte,
c’est un défi à l’humaine nature. À la vue de cette chose, un grand doute vous
vient dont je n’ai pas achevé de saisir les contours.
    — Qu’en avez-vous fait, lieutenant ?
    Le lieutenant de

Weitere Kostenlose Bücher