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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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bon, et le frisson agréable que me procura cette brosse à dents m’impressionna grandement. Je décidai que je l’utiliserais chaque jour. J’étais en train de la tapoter sur l’arête de mon nez, en ne pensant à rien ou en pensant vaguement à plusieurs choses en même temps, lorsque je vis l’ours sortir du bois d’un pas lourd, et se diriger vers Tub.

 
    C’était un grizzly. Il était grand mais efflanqué, et venait sans doute de sortir de l’hibernation. Tub le vit ou le sentit et commença à se cabrer et à sauter sans pouvoir se détacher de la racine de l’arbre. Debout dans l’embrasure de la porte, je levai mon pistolet et tirai six coups rapides, mais dans une telle panique qu’aucun n’atteignit sa cible. L’ours ne fut pas le moins du monde impressionné, et poursuivit son chemin. Le temps que je prenne mon deuxième pistolet, il se dressait devant Tub. Je fis feu à deux reprises, sans succès   ; il bondit et d’un violent coup de patte à l’œil assomma Tub, qui tomba par terre. L’ours resta derrière lui, et je ne pus ajuster mon tir avec précision sans risquer de toucher mon cheval. Je n’eus d’autre choix que de franchir le seuil maudit sous peine de voir ma bête massacrée, et de me jeter dans la mêlée en criant aussi fort que je le pouvais. Le grizzly remarqua mon arrivée, et fut décontenancé   : devait-il continuer à tuer le cheval, besogne déjà bien entamée, ou devait-il s’occuper de ce bruyant bipède   ? Tandis qu’il pesait le pour et le contre, je lui logeai deux balles dans la tête et deux dans la poitrine, et il tomba raide mort sur le sol. Je ne savais pas si Tub était mort ou vivant. Il ne semblait pas respirer. Je me retournai vers l’entrée sombre de la cabane. Mes mains et mes jambes se mirent à trembler. Je vibrais de partout.

 
    Je regagnai la cabane. Malédiction ou pas, je ne voyais pas l’intérêt d’informer Charlie de ce qui venait de se passer. Je fis le point sur mon état de santé, mais ne remarquai rien d’inhabituel à part les vibrations, que je mis sur le compte de la nervosité et qui, quoi qu’il en fût, s’atténuaient. Tub demeurait immobile, et j’étais persuadé qu’il était mort   ; cependant, lorsqu’une sittelle se posa sur son museau, il se leva d’un bond et secoua son encolure en renâclant. Je m’éloignai de la porte et m’allongeai sur le lit. Il était humide, déformé, avec une odeur de gazon. Je fis un trou et m’aperçus qu’il était plein d’herbe et de terre. Quelque préférence de sorcière, peut-être. Je changeai de place et m’allongeai sur le sol devant le feu. Je me réveillai une heure plus tard. Mon frère criait mon nom et s’attaquait à la fenêtre avec une hache.

 
    Quand je me fus extrait du trou, nous nous approchâmes de l’ours défunt et nous assîmes sur le sol à côté de lui. Charlie dit, «   J’ai vu ce monsieur étendu par terre, mais tu ne répondais pas. Alors j’ai regardé par la porte et je t’ai vu allongé sur le dos. C’est très désagréable de vouloir pénétrer dans une maison sans pouvoir le faire.   » Il me demanda ce qui s’était passé, à quoi je répondis, «   Pas grand-chose. L’ours est sorti des bois et a assommé Tub. Je l’ai visé avec précision et je l’ai tué.
    â€” Combien de fois as-tu tiré   ?
    â€” J’ai vidé deux pistolets, et je l’ai touché deux fois avec l’un et deux fois avec l’autre.   »
    Charlie examina les blessures de l’ours. «   Tu as tiré depuis la fenêtre ou depuis la porte   ?
    â€” Pourquoi tu me poses toutes ces questions   ?
    â€” Pour rien.   » Il haussa les épaules. «   Bien visé, mon frère.
    â€” J’ai eu de la chance, voilà tout.   » Espérant changer de sujet, je lui demandai d’où venait la hache.
    Â«   Des prospecteurs qui se dirigeaient vers le sud   », dit-il. Un de ses poings était écorché et je lui demandai comment il s’était blessé. «   Les hommes hési-taient à me

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