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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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arriver. Tel est le destin des curieux qui écoutent aux portes.   » Soudain il se plia en deux, et un mince filet de bile jaune jaillit de sa bouche et tomba par terre. Lorsqu’il leva son visage dégoulinant vers moi, ses lèvres humides se fendirent en un sourire diabolique. «   J’ai failli vomir dans ma botte   ! J’étais sur le point de vomir dedans   ! Imagine comme j’aurais été contrarié   !
    â€” Je reviendrai plus tard, lui répondis-je.
    â€” Comment   ? dit-il. Non, reste ici avec moi. Je ne me sens pas bien. Je regrette si je t’ai blessé tout à l’heure. Ce n’étaient que des paroles en l’air.
    â€” Non, j’aimerais être seul. Bois ta morphine et dors.   »
    Je me tournai vers la porte, mais mon frère continua à me parler, comme s’il n’avait pas remarqué que je m’apprêtais à partir. «   Je crois que cette eau-de-vie était empoisonnée.   » Il eut un haut-le-cœur. «   Je n’ai jamais été aussi malade après avoir bu.
    â€” J’ai bu la même eau-de-vie que toi, et je ne suis pas empoisonné.
    â€” Tu n’en as pas bu autant que moi.
    â€” C’est peine perdue de discuter avec un saoulard.
    â€” Ah, je suis un saoulard, maintenant.
    â€” J’en ai assez de toi pour aujourd’hui. Je dois prendre soin de mes points de suture et de mes plaies. On se reverra plus tard, mon frère. Je te conseille d’ici là de rester loin du saloon.
    â€” Je ne sais pas si j’en serai capable, dépravé et saoulard comme je suis.   »
    Il ne cherchait qu’à se disputer et attiser sa colère à mon égard, afin d’atténuer sa culpabilité, mais je n’allais pas jouer son jeu. Je retournai dans le hall (la bougie, remarquai-je en descendant, était restée allumée, l’allumette intacte), où je trouvai la femme assise à son bureau, en train de lire une lettre qui la faisait sourire. Apparemment, la missive était porteuse de bonnes nouvelles, car elle avait l’air en de meilleures dispositions, et me salua, sinon chaleureusement, du moins pas aussi froidement qu’auparavant. Je lui demandai si je pouvais emprunter une paire de ciseaux et un miroir, et pour toute réponse elle proposa de me couper les cheveux pour cinquante cents, pensant que c’était là ce qui motivait ma requête. Je déclinai en la remerciant, et lui racontai l’histoire de mes points de suture   ; elle demanda si elle pouvait m’accompagner dans ma chambre et assister à la sanglante opération. Lorsque je lui avouai que j’espérais passer ainsi un peu de temps loin de mon frère, elle répondit, «   Voilà quelque chose que je peux comprendre.   » Puis elle me demanda où je comptais procéder à ma petite intervention chirurgicale   ; lorsque j’avouai ne pas y avoir pensé, elle m’invita dans ses quartiers.
    Â«   N’avez-vous pas d’autres affaires pressantes   ? demandai-je, vous n’aviez pas un moment à perdre, ce matin.   »
    Elle rougit. «   Je vous prie de m’excuser si je me suis montrée expéditive avec vous, dit-elle. Mes employés ont disparu et je n’en dors plus de la nuit, tant j’ai accumulé de retard. Par ailleurs, la maladie a frappé ma famille, et j’étais inquiète d’en savoir plus.   » Elle tapota la lettre et opina du chef.
    Â«   Tout va bien, alors   ?
    â€” Pas tout, mais presque.   » Là-dessus, elle m’invita à passer derrière son comptoir sacré, et je la suivis à travers le rideau de perles, jusque dans ses appartements. Le contact des perles était fort agréable   : elles me chatouillèrent le visage en passant, et je frissonnai de bonheur. C’est vrai, pensai-je. Je suis bien vivant.

 
    Sa chambre n’était pas la chambre que j’aurais imaginée, si j’avais eu le temps d’imaginer sa chambre, ce qui n’était pas le cas. Il n’y avait ni fleurs, ni coquetteries, ni soie, ni parfum, ni choses féminines suspendues par la main délicate d’une femme   ; point de volumes de poésie, ni mallette d’affaires de toilette, ni coiffeuse   ; point, non plus, de coussins en dentelle

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