Les Frères Sisters

ornés de proverbes brodés qui réchauffent le cœur et calment les esprits dans les moments de détresse, ou qui nous aident à traverser la monotonie sans fin des jours qui se suivent et se ressemblent, avec leurs mots rassurants et leurs paroles réconfortantes. Non, sa chambre était une casemate basse de plafond, sans fenêtre ni aucune lumière naturelle, et il y régnait une odeur de graisse, d’eaux usées et de copeaux de savon moisis, car elle était située juste à côté de la cuisine et de la lingerie. Elle dut remarquer mon air désappointé, car elle devint timide, et dit doucement qu’elle pensait que je n’aimais guère ses appartements   ; naturellement, à ces mots, j’abondai dans l’autre sens, et chantai les louanges de sa chambre, dont, lui dis-je, le caractère d’impénétrabilité procurait un sentiment de sécurité tout en en faisant un petit nid parfaitement intime. Elle me remercia de mes paroles chaleureuses en précisant toutefois qu’elles n’étaient pas nécessaires. Elle savait qu’il manquait beaucoup de choses dans cette chambre, mais cela ne durerait plus très longtemps, car avec le flot constant de prospecteurs qui s’arrêtaient dans son établissement, ses affaires allaient bon train. «   Encore six mois, et je m’installerai dans la plus belle chambre de cet hôtel.   » À sa façon de prononcer cette dernière phrase, je compris toute l’importance qu’elle attachait à la chose.
    Â«   Six mois, c’est long, dis-je.
    â€” J’ai attendu plus longtemps pour moins que ça.
    â€” J’aimerais pouvoir accélérer les choses pour vous.   »
    Elle resta perplexe. «   C’est étrange de dire une chose pareille à une inconnue   », dit-elle.
    Puis elle me mena à une petite table en pin, et posa un miroir devant moi. Mon visage trop large surgit, et je l’examinai selon ma coutume, avec un mélange de curiosité et de pitié. Elle attrapa une paire de ciseaux qu’elle me tendit. Je m’en saisis par les lames, que je gardai entre mes paumes pour les réchauffer, puis je coupai les points de suture et commençai à ôter le fil noir de ma bouche. Cela ne faisait pas mal, mais brûlait vaguement, comme lorsqu’une corde vous glisse entre les mains. Il était sûrement trop tôt pour enlever les points, car les bouts de fil étaient tout sanguinolents. Je les laissai tomber à mes pieds, et comme leur odeur était immonde, je les brûlai. Une fois cette première étape achevée, je choisis de montrer à la femme ma nouvelle brosse à dents et ma poudre, que j’avais dans la poche de ma veste. La proposition l’enthousiasma, car elle avait elle aussi récemment adopté cette méthode, et elle se dépêcha d’aller chercher son matériel afin que nous puissions nous brosser les dents de concert. C’est ainsi que nous nous retrouvâmes debout, côte à côte, près de la cuvette, souriants, la bouche pleine de mousse. Après quoi nous ne sûmes que dire, et lorsque je m’assis sur son lit, elle se mit à regarder la porte, comme si elle voulait partir.
    Â«   Venez vous asseoir à côté de moi, dis-je, je voudrais vous parler.
    â€” Il faudrait que je retourne travailler.
    â€” Ne suis-je pas client ici   ? Vous devez vous occuper de moi, sinon j’écris une lettre de réclamation à la chambre de commerce.
    â€” Bon, d’accord.   » Elle ramassa sa robe dans ses mains pour s’asseoir, et demanda, «   De quoi aimeriez-vous parler   ?
    â€” De n’importe quoi. Que diriez-vous de la missive qui vous faisait sourire   ? Qui est-ce qui était malade dans votre famille   ?
    â€” Mon frère, Pete. Il a reçu un coup de sabot d’un mulet en pleine poitrine, mais il paraît qu’il s’en remet bien. Mère dit qu’on voit très clairement la trace du pied de la bête.
    â€” Il a de la chance. C’eût été une mort des plus indignes.
    â€” La mort, c’est la mort.
    â€” Vous avez tort. Il existe toutes sortes de morts.   » Je les énumérai sur les doigts de ma main   : «   La mort rapide, la mort lente. La mort prématurée, la