Les Frères Sisters
parties sâétaient rétrécies, et il dit en plaisantant que nager le faisait toujours retomber en enfance. Il souleva la marmite du feu et déversa lâeau chaude sur sa tête, ce qui déclencha une nouvelle salve de cris et de glapissements joyeux.
Après le petit-déjeuner, je profitai de sa bonne humeur pour le convaincre dâessayer ma brosse à dents. «  Câest ça, dis-je. De haut en bas. Maintenant, frotte bien la langue.  » Il inspira et fut impressionné par la fraîcheur de la menthe dans sa bouche. En me tendant la brosse et la poudre, il déclara, «  Câest
très
agréable.
â Je nâarrête pas de te le dire.
â Jâai lâimpression de mâêtre complètement nettoyé la tête.
â On pourrait peut-être tâacheter une brosse à San Francisco.
â Je crois quâil faudra le faire.  »
Nous nous apprêtions à partir lorsque je vis le garçon et Lucky Paul sortir des bois de lâautre côté de la rive. Il avait la tête couverte de sang, et semblait à moitié mort. Il me regarda et leva la main dans ma direction, avant de tomber de son cheval. Il resta allongé par terre, immobile. Nullement affecté par la chute de son cavalier, Lucky Paul sâapprocha de la rivière pour sây désaltérer.
Â
Nous plongeâmes le garçon dans lâeau, et il se réveilla dâun coup. Il était heureux de nous voir, amusé même. Il sâassit. «  Câest la première fois que je me réveille dans lâeau.  » Il frappa la surface avec la paume de sa main. «  Mon
Dieu,
comme câest froid.  »
â Quâest-ce qui tâest arrivé  ? demandai-je.
â à lâentrée des bois, jâai rencontré un groupe de trappeurs à cheval. Ils étaient quatre et ils ontdit quâils cherchaient un ours roux. Quand je leur ai dit que je ne lâavais pas vu, ils mâont donné un coup de gourdin sur le crâne. Je me suis effondré par terre et ils sont partis en rigolant. Après être revenu à moi, je suis remonté sur ce bon vieux Paul et il mâa mené jusquâà vous.
â Il a trouvé son chemin jusquâà lâeau, voilà tout, dit Charlie.
â Non, dit le garçon en caressant la tête de Lucky Paul. Il pensait à moi, et il a fait ce quâil fallait.  »
Charlie dit, «  Jâai lâimpression dâentendre mon frère quand il parle de son cheval, Tub.  » Il se tourna vers moi. «  Vous devriez vous associer tous les deux, faire une sorte de comité.
â Dans quelle direction sont partis ces hommes  ? demandai-je au garçon.
â LâAssociation des Protecteurs de Bêtes abruties  », lança Charlie.
Le garçon poursuivit  : «  Je les ai entendus dire quâils retournaient voir Mayfield. Câest une ville  ? Je me demande si câest là quâest mon père.
â Mayfield, câest le patron, dans le coin  », expliquai-je, en relatant à Charlie ce que le prospecteur avait dit à propos des cent dollars de récompense pour la peau de lâours réputé insaisissable. Charlie déclara que celui qui était prêt à payer si cher pour une peau dâours était un imbécile. à quoi, tout en se lavant le visage et les cheveux, le garçon rétorqua quâavec cent dollars il pourrait sâacheter tout ce dont il avait besoin pour une vie entière. Je désignai le campement de lâautre côté de la rive et lui conseillai de sây abriter quelque temps et dâutiliser le feu. à ces mots il sembla déconcerté. «  Je pensais que je vous accompagnerais.
â Ah ça, non, dit Charlie. Câétait drôle la première fois, mais maintenant, ça suffit.
â Maintenant que le col est derrière nous, Lucky Paul va vous montrer ce quâil sait faire.
â La dernière fois tu nous as dit que câétait un grimpeur.
â Il glisse sur le plat comme un patineur.
â Non, câest non  », dit Charlie.
Le garçon me jeta un regard implorant, mais je confirmai quâil allait devoir continuer seul. Il se mit à sangloter et Charlie sâapprocha pour le
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