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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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frapper, mais je le retins, et mon frère retourna alors au campement pour rassembler ses affaires. Je ne sais pas ce qu’il avait, ce gosse, mais il me suffisait, à moi aussi, de le regarder pour avoir envie de lui flanquer une torgnole. Il avait une tête qui incitait à la violence. Il pleurait à chaudes larmes   ; la morve fleurissait dans ses narines, et à peine une bulle avait-elle explosé dans la droite, que la gauche prenait la relève. Je lui expliquai que notre situation ne nous permettait pas de nous occuper d’un enfant, et que notre façon de vivre était mouvementée et dangereuse, mais je parlais dans le vide   : le garçon n’entendait pas mes mots, tant il était enfermé dans sa propre tristesse. Pour finir, craignant de le frapper s’il ne cessait de geindre, je l’emmenai de l’autre côté du ruisseau, au camp du prospecteur, et sortis de ma sacoche ma blague à tabac. Je lui montrai l’or, et lui dis   : «   Avec ça, tu devrais pouvoir rentrer chez toi et retrouver ta bien-aimée, si tu réussis à éviter de te faire défoncer la tête. Il y a de la viande de cheval sous cette tente. Je te suggère de manger et de nourrir Lucky Paul, et de te reposer pour la nuit. Aux premières lueurs du jour, je veux que tu fasses demi-tour, et que tu repartes précisément par où tu es venu.   » Je lui tendis la blague, et il resta à la fixer dans sa main. Charlie, qui avait observé la transaction du coin de l’œil, s’approcha de nous.
    Â«   Qu’est-ce que tu fais   ? me demanda-t-il.
    â€” Vous me la donnez   ? dit le garçon.
    â€” Mais qu’est-ce que tu fabriques   ?   » demanda Charlie.
    Je dis au garçon   : «   Retourne au col, et continue vers le nord. Une fois arrivé à Jacksonville, va trouver le shérif et explique-lui ta situation. Si tu sens que tu peux lui faire confiance, propose-lui d’échanger tes pépites d’or contre de l’argent liquide.
    â€” Ha, ha, dit le garçon en soupesant la blague dans sa main.
    â€” Je suis contre, dit Charlie. Tu balances cet argent par les fenêtres.   »
    Je dis, «   C’est de l’argent sorti de terre, dont ni toi ni moi n’avons besoin.
    â€” Sorti de terre et c’est tout   ? Il me semble pourtant me rappeler que nous ne nous sommes pas contentés de creuser le sol.
    â€” Eh bien, le garçon a ma part, pas la tienne.
    â€” Qu’est-ce que vient faire ma part là-dedans   ?
    â€” Le sujet est clos, alors.
    â€” C’est toi qui as commencé à en parler.
    â€” Oublions ça.   » Je reportai mon attention sur le garçon, et poursuivis   : «   Une fois que le shérif t’aura réglé ce qui t’est dû en échange des paillettes, je veux que tu te trouves de nouveaux habits, qui te fassent paraître plus vieux. À mon avis, tu devrais t’acheter le chapeau le plus large que tu puisses trouver, afin de te couvrir complètement la tête. Et tu auras aussi besoin d’un nouveau cheval.
    â€” Et Lucky Paul   ? demanda le garçon.
    â€” Tu devrais le vendre au prix que tu pourras obtenir. Et si tu ne trouves pas d’acheteur, abandonne-le.   »
    Le garçon secoua la tête. «   Jamais je ne me séparerai de lui.
    â€” Dans ce cas, tu ne rentreras jamais chez toi. Il te ralentira jusqu’à ce que tu n’aies plus d’argent et que vous mourriez tous deux de faim. J’essaie de t’aider, tu comprends   ? Si tu ne m’écoutes pas, je vais te reprendre cet or.   »
    Le garçon se mura dans le silence. Je remis du bois dans le feu et lui suggérai de bien faire sécher ses vêtements avant le coucher du soleil. Il se déshabilla mais ne suspendit pas ses nippes   ; elles restèrent là en tas dans la gadoue et le sable, tandis qu’il se plantait devant nous, nu et tout de guingois, abattu et de mauvaise humeur. Avec ses vêtements sur le dos, il n’était pas particulièrement joli à voir   ; nu, je me dis qu’il ressemblait à un bouc. Il se remit à pleurer, ce que je pris pour le signal du départ. Je grimpai sur Tub et souhaitai au garçon bon voyage, mais ces mots étaient vides de sens, car il était

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