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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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clairement condamné, et je n’aurais jamais dû lui donner l’or, même si je ne pouvais pas décemment le lui reprendre à présent. Il se tint là à sangloter en nous regardant partir. Derrière lui, Lucky Paul pénétra dans la tente du prospecteur, qui s’effondra, et je songeai, Voici une autre image misérable qu’il va me falloir enregistrer et accueillir dans mes archives.

 
    Nous nous dirigeâmes vers le sud. Nous allions d’un bon pas de part et d’autre du cours d’eau, longeant les rives de sable. Les rayons du soleil transperçaient les cimes des arbres et réchauffaient nos visages   ; l’eau était translucide, et d’énormes truites remontaient le courant ou s’y prélassaient. Charlie me cria qu’il était impressionné par la Californie, qu’il y avait dans l’air une sorte d’énergie fortuite — voilà l’expression qu’il a employée. Je n’avais pas le même sentiment que lui, mais comprenais ce qu’il voulait dire   : cette pittoresque eau vive représentait non seulement une satisfaction esthétique, mais aussi des richesses potentielles. Comme si la terre elle-même prenait soin de vous, œuvrait en votre faveur. Telle est, peut-être, l’origine de l’hystérie autour de ce que l’on finit par appeler la ruée vers l’or   : des hommes désirant se sentir riches   ; des masses malheureuses espérant s’emparer de la chance d’autrui, ou profiter de la chance du lieu lui-même. Une idée séduisante, mais dont je me méfiais. Pour moi, la chance était quelque chose que l’on méritait ou que l’on se créait grâce à sa force de caractère. Seule l’honnêteté pouvait mener à elle   ; on ne la trouvait pas par la ruse ou le bluff, en louvoyant ou en trichant.
    Mais à ce moment-là, comme si la Californie s’était mis en tête de me démontrer que j’avais tort, l’ourse rousse surgit des bois et traversa la rivière à une trentaine de mètres de nous, alors que nous venions de nous arrêter pour boire. L’animal était adulte, et sa fourrure, que j’avais imaginée d’un blond doré, était en fait rouge pomme. Elle nous jeta un rapide coup d’œil et repartit lentement dans la forêt. Charlie arma ses pistolets et se mit à la suivre   ; comme je ne bronchais pas, il me demanda ce que j’attendais.
    Â«   On ne sait même pas où il habite, ce Mayfield, dis-je.
    â€” On sait que c’est en descendant la rivière.
    â€” On descend la rivière depuis ce matin. Et si on avait déjà dépassé l’endroit   ? Je n’ai aucune envie de grimper les collines et les montagnes avec un ours mort attaché à mon cheval.
    â€” Mayfield ne veut que la peau.
    â€” Et qui de nous deux se chargera de l’écorcher   ?
    â€” Ça dépend qui la tue. Ce sera l’autre qui s’y collera.   » Il s’écarta de Nimble. «   Tu ne viens vraiment pas avec moi   ?
    â€” Je ne vois pas pourquoi.
    â€” Dans ce cas, prépare ton couteau   », dit-il en disparaissant dans les bois. Je demeurai là à regarder passer les truites et à examiner l’état de l’œil de Tub, qui empirait, en espérant contre toute vraisemblance que je n’entendrais pas résonner l’arme de Charlie. Mais c’était un traqueur de premier ordre, et il ne ratait jamais sa cible. Lorsque cinq minutes plus tard la détonation retentit, j’acceptai mon sort, et, couteau à la main, pris la direction d’où était venu le bruit, Je trouvai Charlie assis près de l’animal mort. Il riait, haletant, tout en donnant des coups de botte dans le ventre de l’ourse.
    Â«   Tu sais combien ça fait, cent dollars   ?   » demanda-t-il. Je lui dis que non et il déclara, «   Cent dollars.   »
    Je roulai l’ours sur son dos et enfonçai mon couteau dans sa poitrine. J’ai toujours pensé que les entrailles d’un animal étaient sales, plus encore que celles d’un homme, ce qui, je le sais, n’est pas logique lorsqu’on songe à tous les poisons que nous faisons absorber à nos corps, mais comme je n’arrivais pas à me

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