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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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homme en train de marcher avec un cheval à une centaine de mètres de nous en direction du sud. S’il avait été en selle, je ne crois pas qu’il aurait attiré notre attention, mais c’était étrange de le voir mener son cheval par la bride comme ça. «   Pourquoi tu ne vas pas voir ce qu’il fait, dit Charlie.
    â€” Si le chef l’ordonne   », rétorquai-je. Aucune réaction   : la plaisanterie commence à s’user, me dis-je. Je décidai que je m’abstiendrais dorénavant de la faire. J’enfourchai Tub et partis à la rencontre du marcheur. En approchant je remarquai qu’il pleurait. Je mis pied à terre pour l’aborder. Je suis grand et costaud et j’ai l’air plutôt rude, et je vis tout de suite que l’homme avait pris peur en me voyant   ; pour le rassurer, je dis, «   Je ne vous veux aucun mal. Mon frère et moi sommes simplement en train de déjeuner. Et comme j’ai préparé trop à manger je me demandais si vous aviez faim.   »
    L’homme s’essuya le visage de la main, en respirant profondément et en frissonnant. Il essaya de me répondre — du moins ouvrit-il la bouche  —, mais il ne parvint à articuler aucun mot ni aucun son, visiblement trop bouleversé pour pouvoir s’exprimer.
    Je poursuivis   : «   Je vois bien que vous êtes malheureux et que vous souhaitez sans doute poursuivre seul votre route. Je vous prie de m’excuser, je ne voulais pas vous déranger, et j’espère que les choses vont s’arranger pour vous.   » Je remontai sur Tub et repartis en direction de notre bivouac. J’étais à mi-chemin lorsque je vis Charlie se lever et braquer son pistolet dans ma direction. Je me retournai et me rendis compte que l’homme en pleurs galopait vers moi   ; comme il ne semblait pas me vouloir de mal, je fis signe à Charlie de baisser son arme. Arrivé à ma hauteur, l’homme en pleurs me lança, «   J’accepte votre proposition.   » Lorsque nous arrivâmes au campement, Charlie se saisit de la bride du cheval de l’homme et déclara, «   Vous ne devriez pas poursuivre quelqu’un de la sorte. J’ai pensé que vous en vouliez à mon frère, et j’étais sur le point de vous tuer.   » L’homme en pleurs balaya d’un geste dédaigneux de la main la remarque de Charlie. Surpris, mon frère me regarda, et me demanda, «   Qui est cet individu   ?
    â€” Il était malheureux, et je lui ai proposé de partager notre nourriture.
    â€” Il ne reste que des petits pains.
    â€” Je refais à manger, alors.
    â€” Non.   » Charlie regarda l’homme en pleurs de bas en haut. «   Effectivement, il n’a pas l’air à la fête, hein   ?   »
    L’homme en pleurs s’éclaircit la gorge avant de parler. «   C’est très mal élevé de parler d’une personne en sa présence comme si elle n’était pas là.   »
    Charlie ne savait pas s’il devait rire ou le frapper. Il se tourna vers moi   : «   Il est fou   ?
    â€” Je vous prie de surveiller vos propos, dis-je à l’inconnu. Mon frère ne se sent pas bien aujourd’hui.
    â€” Je vais parfaitement bien, dit Charlie.
    â€” Il est moins charitable qu’à son habitude, ajoutai-je.
    â€” Il a l’air malade, dit l’homme en pleurs.
    â€” J’ai dit que j’allais bien, sacrebleu   !
    â€” Il est malade, mais légèrement, dis-je, conscient que la patience de Charlie touchait à sa fin. Je pris quelques petits pains et les donnai à l’homme en pleurs. Il les contempla un long moment, puis se remit à pleurer avec force quintes de toux, reniflements et frissons à faire pitié. Je dis à Charlie, «   Il était comme ça quand je l’ai trouvé.
    â€” Qu’est-ce qui lui est arrivé   ?
    â€” Il ne m’a pas dit.   » Je demandai à l’homme en pleurs, «   Monsieur, que vous arrive-t-il   ?
    â€” Ils sont partis   ! s’exclama-t-il. Ils sont tous partis   !
    â€” Qui est parti   ? demanda Charlie.
    â€” Partis sans moi   ! Et moi je voulais partir aussi   ! Être avec eux   !   »

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