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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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sais pas. Charlie   ?   »
    Charlie arpentait l’écurie avec un petit sourire. À en juger par sa gentillesse et sa bonne humeur, il avait bu quelques verres supplémentaires. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas entendu ma question, et je n’insistai pas. «   Je pense que nous prendrons le ferry, dis-je.
    â€” Et quand comptez-vous partir   ?
    â€” Demain, dans la matinée.
    â€” Et une fois arrivés, vous pensez dormir dehors   ?
    â€” Oui.   »
    Le palefrenier réfléchit. «   C’est trop tôt pour partir   », dit-il.
    Je caressai le chanfrein de Tub. «   Il a l’air en bonne forme.
    â€” Je ne dis pas le contraire. Il est costaud, mais si c’était mon cheval, je ne le monterais pas pendant une semaine au moins.   »
    Lorsque Charlie revint de ses déambulations, je lui demandai d’autres cacahuètes. Il brandit le sachet en le renversant   : vide. «   Quel est le restaurant le plus cher de la ville   ?   » demanda-t-il au palefrenier, qui, à la question, émit un sifflement tout en se grattant simultanément le front et les parties.

 
    The Golden Pearl était tout simplement drapé d’un épais velours lie-de-vin   ; chaque table était dressée avec un grand candélabre, des assiettes en fine porcelaine de Chine blanches, des serviettes en soie, et de lourds couverts en argent. Notre serveur, un homme impeccable à la peau d’ivoire, portait un smoking noir avec des guêtres en soie bleue et, à la boutonnière, une épingle à rubis qui aveuglait tous ceux qui portaient les yeux sur elle. Nous commandâmes des steaks et du vin, précédés d’eau-de-vie, ce qui sembla le ravir au plus haut point. «   Très bien, dit-il en le notant d’un geste élégant dans son carnet relié en cuir.
Très, très
bien.   » Il claqua des doigts et on nous apporta deux verres en cristal. Il s’inclina et se retira, mais j’étais persuadé qu’il allait bientôt revenir, pour prendre soin de nous à chaque étape de notre expérience dînatoire, avec une grâce extrême et le plus grand savoir-faire. Charlie avala une gorgée d’eau-de-vie. «   Doux Jésus, que c’est bon   !   »
    Je trempai mes lèvres dans mon verre. Cela n’avait rien à voir avec les eaux-de-vie que j’avais bues jusqu’alors. C’était à ce point éloigné de ce que je connaissais en matière d’eaux-de-vie que je me demandai s’il ne s’agissait pas tout bonnement d’un autre alcool. Quel que fût le breuvage en question, il me plut grandement et j’en bus sans plus tarder une longue gorgée. Avec autant de nonchalance que possible, je fis, «   Où en sommes-nous par rapport à notre engagement vis-à-vis du Commodore   ?
    â€” Que veux-tu dire   ? demanda-t-il. Nous continuons l’affaire.
    â€” Même s’il nous a induits en erreur   ?
    â€” Que suggères-tu, Eli   ? Il n’y a aucune raison de rompre les liens avec lui tant que nous n’avons pas enquêté sur cette rivière illuminée. Même si nous n’étions pas à sa solde, je voudrais quand même en savoir plus.
    â€” Et si Warm et Morris réussissent   ? Tu envisages de les voler   ?
    â€” Je ne sais pas.
    â€” Si ce n’est pas le cas, j’imagine qu’on les tuera.   »
    Charlie haussa les épaules avec désinvolture. «   Je ne sais vraiment pas   !   » Le garçon nous apporta nos steaks   ; Charlie en avala une bouchée et grogna d’aise. Je l’imitai, mais mon esprit était préoccupé par autre chose. Je me décidai à aborder le sujet tant que Charlie était de bonne humeur, et lançai, «   Si nous ne parlions à personne du journal de Morris, nous pourrions rentrer à Oregon City sans que quiconque n’y trouve à redire.   »
    Ã€ ces mots, Charlie avala et toute la joie qui rayonnait sur son visage s’effaça d’un coup. «   Mais de quoi diable parles-tu   ? demanda-t-il. Veux-tu me le dire   ? Et pour commencer, que dirions-nous au Commodore à notre retour   ?
    â€” Nous lui dirions la vérité   : que Morris est parti avec Warm,

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