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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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dans leur propriété.   »
    Charlie s’interrompit, s’abandonnant au souvenir. «   C’était une bande de durs à cuire, c’est vrai.
    â€” J’avais le sentiment que c’était juste, parce que, qu’ils aient ou non trahi le Commodore, c’étaient des hommes maléfiques, vraiment, et ils nous auraient tués si nous n’avions pas bougé les premiers. Mais ces deux-là, Warm et Morris, ce serait comme de tuer des enfants ou des femmes.   »
    Charlie resta silencieux. Il songeait à l’avenir, proche comme lointain. Je voulais lui en dire davantage mais je ne l’interrompis pas, car j’avais le sentiment de m’être exprimé suffisamment pour faire passer mon message. J’étais soulagé que nous ayons eu cette conversation, et que Charlie ne fût pas catégoriquement opposé à ma façon de penser. J’étais également soulagé de constater que le ressentiment que nous avions l’un vis-à-vis de l’autre en quittant San Francisco s’atténuait peu à peu. Mais à vrai dire, ce genre de discussion à froid nous permettait souvent de faire la paix.

 
    Le soir tomba avant que nous puissions trouver le placer de Warm, et nous installâmes notre campement sous des chênes. Je désinfectai Tub et il hurla en bottant et en se cabrant. Lorsque la douleur s’atténua, il s’allongea, haletant, le regard perdu dans le vague. Il n’avait guère d’appétit mais j’étais persuadé qu’il restait encore en lui une bonne dose de vie, et que bientôt il commencerait à récupérer. Tandis que je sombrais dans le sommeil, je contemplais les cimes des arbres qui se balançaient et se percutaient dans le vent. J’entendais la rivière sans pouvoir la situer exactement   ; tantôt j’avais l’impression qu’elle était au nord, tantôt j’étais certain qu’elle était au sud. Le lendemain matin je découvris qu’elle était en fait à l’est. Après le déjeuner, nous trouvâmes la concession de Warm, et décidâmes d’y passer la nuit, afin que Tub puisse se reposer toute une journée, et Charlie et moi nous concentrer sur ce qui nous attendait.
    L’endroit était accueillant et confortable, et nous nous installâmes sur un plat herbeux au bord de la rivière. Un petit panneau planté à l’entrée du placer annonçait   : CES EAUX SONT LA PROPRIÉTÉ TEMPORAIRE DE HERMANN KERMIT WARM, UN HONNÊTE HOMME EN TRÈS BONS TERMES AVEC LA PLUPART DES ANGES DU PARADIS. CEUX QUI OSERONT TREMPER LEUR BATÉE DANS CE SECTEUR SERONT PRIS D’ASSAUT, INSULTÉS, ET FRAPPÉS À COUPS DE HARPE TRANCHANTE, ET PROBABLEMENT D’ÉCLAIRS. Des branches de vigne soigneusement dessinées s’entortillaient autour des mots. Warm avait consacré du temps à la chose.
    De grosses truites se prélassaient dans l’eau, et Charlie en tua une d’une balle en pleine tête, pour notre dîner. Un nuage de sang s’échappa du poisson, et il se mit à dériver au gré du courant. Charlie se jeta dans l’eau, ramassa le poisson par la queue, et le balança sur la rive où j’étais assis. Je le vidai, enlevai la peau et le fis frire dans de la graisse de porc. Il pesait plus d’un kilo, et nous le dévorâmes entièrement, sauf la tête. L’herbe verte et épaisse était moelleuse et nous dormîmes bien l’un et l’autre. Le lendemain matin un homme se tenait devant nous, petit, hirsute et souriant, un heureux prospecteur qui allait retrouver la civilisation avec son sac de paillettes et de pépites durement gagnées.
    Â«   Bonjour, messieurs, dit-il. J’allais justement me faire un feu pour me préparer un café lorsque j’ai senti la fumée du vôtre. Je serais heureux de vous en offrir une tasse si je pouvais profiter de votre foyer.   »
    J’acceptai, il raviva le foyer et installa sa bouilloire noircie directement sur les braises. Ce faisant, il se parlait doucement, en s’encourageant et se félicitant   : «   Bien, bien. Excellent, excellent. C’est bon, ça.   » Toutes les trente secondes il était secoué de tics, et je pensai, Il a passé trop de temps seul en pleine nature, et il s’est

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