Les Frères Sisters
vie.
â à moins, dit-il en retroussant les lèvres. à moins que  ?
â Oui, dis-je. Il faudrait le tuer.
â Le tuer comment  ?
â Que veux-tu dire  ?
â Lui tendre une embuscade  ? Faire en sorte quâil sache que nous voulons sa peau  ? Affronter ses lieutenants  ? Il a des hommes dans chaque ville et avant-poste, nâoublie pas.
â Non, la seule façon serait de le faire immédiatement. De rentrer comme si nous travaillions encore pour lui, puis de le tuer dans sa maison et de prendre la fuite.
â Pour aller où  ? Qui se lancerait à notre poursuite si lâhomme lui-même nâétait plus de ce monde  ?
â Je ne serais pas surpris quâil ait laissé des ordres à suivre en cas de mort prématurée.  »
Charlie opina du chef. «  Câest bien le cas. Il mâen a déjà parlé par le passé. âQue mon sang coule prématurément et un océan de sang sera déversé en représailles.â Donc, sachant cela, comment adapter notre plan  ?  »
Je dis, «  La seule façon serait de le tuer dans le plus grand secret.
â Le plus grand secret, répéta Charlie.
â Il faudrait que nous arrivions de nuit et que nous le tuions dans son sommeil. Après quoi, nous nous cacherions dans la forêt pendant quelques semaines, avant de revenir les mains vides, comme si nous rentrions de San Francisco, en prétendant que nous nâavons pas pu obtenir la solution, et que nous avons perdu Morris et Warm. Nous jouerions les premiers surpris en apprenant la mort du Commodore et nous proposerions de nous lancer à la poursuite de tous ceux qui, de près ou de loin, seraient impliqués dans ce meurtre, et de les éliminer.
â Tout cela est parfait, sauf la fin, dit-il. Si le Commodore est assassiné, les accusations vont se multiplier tous azimuts, et la violence se déchaînera. Je serais étonné que nous ne soyons pas accusés  ; et, si nous ne portions pas à notre tour des accusations, cela éveillerait les soupçons. Donc, encore beaucoup de sang sur les mains, et tout ça pour quoi  ? Quand lâhomme qui a lâargent nâest déjà plus de ce monde  ?
â Quel est le fond de ta pensée, mon frère  ?
â Et si le Commodore venait tout simplement à mourir dans son sommeil  ? Un oreiller sur le visage ferait lâaffaire.
â Oui, dis-je. Voilà la réponse. Et nous garderions du coup la solution pour nous.
â Nous lâaurions, mais ne pourrions pas en faire usage pendant un moment.
â Nous pourrions vivre avec le magot de Mayfield et nos économies.
â Ou nous pourrions nous trouver une rivière, et prospecter avec la solution de façon anonyme.
â Ce serait une chose difficile à cacher.
â Difficile, mais pas impossible. Nous serions sans doute obligés de nous associer avec quelques autres. Je ne vois pas comment Warm compte fouiller toute une rivière à deux.
â Revenons-en au problème de lâéthique, dis-je.
â Le problème de lâéthique, répéta Charlie. Oui, parlons-en.
â Je nâai jamais beaucoup aimé monsieur Morris dâun point de vue personnel. Ou peut-être devrais-je dire quâil ne nous a jamais vraiment aimés ou respectés, ce qui influence mes sentiments à son égard. Mais jâavoue avoir un certain respect pour lui.
â Oui, moi aussi. Câest quelquâun dâhonorable. Même sâil a abandonné son poste.
â De mon point de vue, cela ne le rend que plus estimable. Et quant à Warm, je ne puis mâempêcher de lâadmirer pour son intelligence.
â Oui, oui.
â Eh bien, je ne sais pas quoi dire dâautre.
â Tu aimerais autant ne pas les tuer.
â Câest ça. Jâai repensé à notre affaire précédente, durant laquelle nous avons perdu nos chevaux. Tu te souviens des hommes contre qui nous nous sommes battus  ? Tout ce quâils voulaient, câétait du sang, toujours plus de sang, et peu leur importait de quel sang il sâagissait. Ils ne vivaient que pour mourir. Et notre rôle était tout tracé dès lâinstant que nous avons pénétré
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