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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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battaient fort et les jambes qui se dérobaient. Jeannette se retira et elle resta là, seule, attentive au moindre bruit. Les visiteurs sans doute s’étaient fait annoncer. Mme de Beaumont les avait reçus. Cela n’avait peut-être rien à voir avec elle.
    On frappa à sa porte.
    — Madame, quelqu’un demande à vous voir.
    Elle descendit le grand escalier en chancelant à demi. Les capes rouges attendaient dans le vestibule. Elles entouraient un homme à l’imposante chevelure blonde, tout habillé de blanc, des bottes jusqu’au chapeau de feutre qu’il tenait à la main.
    Mme de Beaumont, dès qu’elle l’aperçut, se précipita à sa rencontre.
    — Delphine, M. de Montmor, l’intendant général des galères, désire s’entretenir avec vous…
    Elle eut, en le découvrant, la même impression que tout à l’heure quand elle avait été frappée par la lumière grise du paysage. Quelque chose en lui aveuglait et rendait mal à l’aise. C’était un mélange de coq et de chat, un de ces animaux chimériques des contes, à ranger parmi les centaures, les licornes.
    M. de Montmor écarta d’un mouvement gracieux la courte cape de flanelle qu’il portait à l’épaule et, la main gauche posée sur la poignée dorée de son épée, il fit avec sa main droite une révérence appuyée. Quand il leva de nouveau les yeux, elle reçut son regard bleu de plein fouet et lui-même parut ébloui. Ils restèrent un instant, l’un et l’autre, papillonnant des paupières.
    — Madame de Lautaret, dit-il, veuillez me pardonner. Je vous dérange sans m’être fait annoncer. Mais les événements sont allés si vite. Je viens à vous à la demande de votre époux.
    — Lui serait-il arrivé malheur ?
    Elle franchissait les dernières marches et, comme il la sentit vacillante, il lui tendit le bras. Leurs mains se joignirent le temps qu’elle reprenne son équilibre, puis se détachèrent très vite. Ils en étaient rougissants l’un et l’autre.
    — Non, non, dit-il en faisant un pas de retrait tout à la fois pour retrouver contenance et pour mieux l’observer. M. de Lautaret est en parfaite santé.
    Il lui semblait qu’il était face à l’une de ces beautés italiennes, de ces Vénus ou de ces Vierges peintes et descendues par magie d’un tableau. Il regarda ses doigts surpris de ne point y découvrir des traces de peinture.
    — Ce que je dois vous dire est délicat, madame, dit-il en cherchant de nouveau son regard. Une conversation en aparté serait…
    Ils se retrouvèrent tous les deux, seule à seul, dans la grande bibliothèque. Le soleil d’automne avait transpercé les nuages. Il déposait sur le tapis, avec des précautions d’artiste, le dessin de la fenêtre tout entière. Delphine en suivait les contours, se concentrant sur le jeu des lumières, se forçant à garder la tête baissée pendant que M. de Montmor dévidait ce qu’il avait à dire. Il lui vanta le courage de Guillaume et son dévouement au roi, insista sur l’importance que Sa Majesté attachait à la réussite de l’opération et la nécessité absolue du secret et de la prudence.
    — Aux galères…, balbutia-t-elle. Guillaume a tué un homme de la Ferme et a été envoyé aux galères ?
    — Il est en mission, dit M. de Montmor, et il en sortira grandi…
    — Enchaîné, frappé sans doute…
    — Il va avoir besoin de vous, madame.
    M. de Montmor exposa alors à Delphine ce qui avait été convenu avec Guillaume.
    — Des appartements vous attendent à l’arsenal. Marseille vous tend les bras. De là, vous pourrez prendre des nouvelles de votre époux et veiller sur lui à distance et lui sera dans la certitude de votre sûreté.
    Elle ne répondit pas. Sur le tapis, le soleil de nouveau terrassé par les nuées s’affaiblit puis disparut.
    — Vous… vous serez accueillie comme une reine. Je vous en donne ma parole de gentilhomme.
    Il avait dit ces derniers mots avec une autre voix, à la fois plus fragile et plus souterraine, avec un ton et une insistance qui le surprirent lui-même. Il pensa que, si elle refusait, il ne le supporterait pas et l’enlèverait de force.
    Delphine releva lentement la tête. Elle se remémora les paroles de la sage-dame. Guillaume couvert de sel… Guillaume éloigné… Il lui revenait à elle de choisir s’ils en sortiraient plus forts. Et puis, n’était-il pas urgent, désormais, de donner à Guillaume les dernières informations qu’elle avait recueillies

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