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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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et qui révélaient presque sûrement le nom de l’assassin ?
    Ses yeux gris dégageaient une telle lumière que ce fut au tour de M. de Montmor, gêné, de détourner son regard.
    — J’accepte, monsieur.

    5.
    Chaque journée était un long calvaire. La pluie ne cessait de tomber et les chemins étaient couverts de boue. Les chaînes pesaient de plus en plus lourd. Le corps souffrait. Les plaies ne guérissaient pas. La vermine grouillait sur les vêtements continuellement trempés. Ils devenaient des bêtes hirsutes et sales, des bêtes blessées, dangereuses.
    La dissuasion, Guillaume le savait, reposait avant tout sur la démonstration publique de la sévérité du châtiment. La chaîne traversait les villes et les villages. La justice du roi montrait au peuple qu’il était protégé de la canaille mais aussi qu’il serait cruellement puni en cas de désobéissance. Menacer les méchants et rassurer les bons, voilà quel était le double objectif.
    La populace adorait le passage des convois. Rares étaient les encouragements ou les gestes de réconfort. Souvent, ce n’était au contraire que défis, injures, moqueries. Des ribambelles d’enfants se pressaient au bord des chemins pour les regarder. Certains leur jetaient des pierres ou s’amusaient à leur donner des coups de pied par-derrière. La plupart les observaient sans un mot, indifférents à ces inconnus enchaînés, curieux peut-être par le poids des chaînes et les corps meurtris, fascinés seulement lorsque l’un des galériens tombait de fatigue ou lorsqu’un mouvement d’humeur d’un argousin se traduisait par une volée de coups. Et Guillaume commençait à douter du bien-fondé de cette exposition de souffrances et de violences légales. La justice du roi, dont il était l’un des plus fidèles serviteurs, y gagnait-elle ? À montrer le sordide et la souffrance, n’était-ce pas accoutumer la populace à la sauvagerie ?
    À Dijon, ils reçurent le renfort des condamnés venus de Toul, de Metz et de Besançon. À Lyon, à Grenoble, la chaîne s’enfla encore. Chaque jour, on ne leur distribuait que deux livres de pain, une demi-livre de haricots avec un peu d’huile ou de graisse et une demi-pinte de vin. Parfois, aux étapes, les Dames de la Charité, tout imprégnées des paroles de Vincent de Paul, préparaient des bouillons et prodiguaient leurs soins aux bagnards. Guillaume, harassé de fatigue, croyait voir Delphine en chacune d’elles. À Dijon, une jeunette avait pris le risque de s’approcher de lui pour lui essuyer le front. Elle avait des yeux noirs immenses, une tête charmante entourée d’un capuchon en laine blanche et des mains douces qui sentaient l’eau de rose. Il n’avait pas pu s’empêcher de la prendre dans ses bras et de la serrer contre lui. La pauvre fille avait hurlé comme si le diable lui-même avait voulu l’emporter aux enfers. Deux argousins l’avaient battu à coups de crosse jusqu’à ce qu’il ne bougeât plus. Lapardula l’avait soigné.
    Ce fut la nuit suivante que le nommé Rembard, profitant de l’obscurité, avait rampé jusqu’à lui.
    — Hé, toi, dit-il en chuchotant. Toi qui as tué un gabelou. Approche.
    Il avait un visage couturé avec une bouche jetée en avant comme débordant d’un trop-plein de dents.
    — Nous ne sommes pas beaucoup ici à avoir du sang sur les mains. Suffisamment pourtant pour tenter quelque chose.
    Il lui confia à demi-mot que lui et quelques-uns de ses compagnons projetaient une évasion. La chaîne entrait dans son pays. Il connaissait la route dans son moindre détail. Son plan était d’une simplicité qui frôlait la bêtise. Malgré les chaînes, lui et ceux qu’il avait convaincus allaient ramasser des pierres sur le chemin, lapider l’escorte, l’encercler et se servir de leurs liens de fer pour étrangler les derniers gardes.
    — À Marseille ce sera trop tard. Es-tu des nôtres ?
    Guillaume jeta un oeil vers Lapardula. Mais le bonnevoglie ne disait rien. Il savait comme lui que la réponse était délicate. Il n’était bien entendu pas question de s’évader ou d’aider quiconque à le faire. C’était à Marseille que la mission devait se dérouler. Mais il était aussi important, si l’on voulait que ladite mission réussisse, de ne susciter aucun soupçon et de se faire bien voir de brutes de la trempe de ce Rembard.
    — Compte sur moi, lui dit Guillaume. Je serai prêt et mon compagnon aussi.
    Ce ne fut que

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