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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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c’est l’Orfèvre.
    L’homme pâlit sur l’instant. Il regarda autour de lui comme s’il cherchait du secours.
    — Je paierai, dit-il. Je l’ai promis. Je n’ai que quelques jours de retard. Vous étiez d’accord.
    — Ne t’inquiète pas, lui dit Guillaume. Nous sommes toujours d’accord. Qui t’avait contacté ?
    — Fagot, le maître canonnier de La Merveilleuse .
    — Alors, si c’est Fagot, ça va, dit Guillaume.
    Il jubilait. Après Fouchard et ce Lassère dont il avait trouvé le nom sur les registres du bureau de la chiourme, c’était la troisième fois qu’il rencontrait le nom de la galère La Merveilleuse . À l’évidence, l’Orfèvre et son réseau entretenaient avec elle des liens particuliers. Mais là encore, la personne qui était désignée n’était pas un forçat mais un homme libre, un maître canonnier, rattaché à l’administration.
    Puis on vint chercher Guillaume et les autres forçats pour aider à trier la ferraille dans l’atelier de serrurerie installé dans l’aile sud de l’arsenal et il découvrit les derniers bâtiments, les magasins de désarmement, les ateliers des sculpteurs, des barillats, des menuisiers, des peintres, des rémolats, le magasin général des fournitures neuves, le magasin de retour pour les agrès usés, la corderie et la manufacture de toiles. On chargea Guillaume, qui était l’un des plus forts des hommes présents, de porter les caisses de chaînes et de manilles jusque dans une cour fermée d’un côté et ouverte de l’autre sur un long couloir qui donnait sur l’esplanade de l’arsenal. On défit ses entraves pour qu’il puisse travailler.
    Guillaume s’épuisait à manier ces charges lorsqu’il vit revenir Lapardula, torse nu, poussé par deux argousins. L’Italien s’écroula à ses pieds. Il avait des marques de fouet sur le corps, l’arcade droite tuméfiée et un peu de sang coulait à la commissure de sa lèvre inférieure.
    — Je ne comprends pas, dit-il en baissant la tête. Quelque chose s’est détraqué. La procédure d’alerte que l’on m’avait indiquée en cas de coup dur n’a pas fonctionné. Je suis désolé.
    La cour baignait maintenant dans une atmosphère curieuse. Le soleil s’était un peu voilé et lâchait une clarté grise et lumineuse qui faisait luire les reliefs et éclater les couleurs. Les ferrailles posées sur le sol semblaient éclairées de l’intérieur et versaient sur le crépi blanc des façades de l’atelier les reflets sanguinolents de leur rouille, comme autant de longues balafres. Un silence épais bourdonnait aux oreilles et ils respiraient, à chaque bouffée de vent, le musc lourd et écoeurant des eaux du port qui s’engouffrait dans le corridor et fendait d’un tracé sec et précis les parfums d’huile et de goudron composant habituellement l’odeur de l’arsenal. Ils découvrirent qu’ils étaient soudain curieusement seuls. Les argousins s’étaient retirés et les forçats même avaient disparu.
    — Je crois bien que ta mission s’arrête là, dit Lapardula avec une infinie tristesse.
    Il regardait le jeune procureur, les paupières lourdes, avec juste un fil d’oeil, ses mains énormes pendant le long de ses cuisses, comme deux haches sans usage. Guillaume soudain eut comme une illumination : c’était lui, celui qui l’avait dénoncé. Si l’on excluait M. de Chabas et M. de Montmor, qui d’autre que Lapardula avait pu le faire ? Ne se vendait-il pas pour de l’argent ? L’Orfèvre avait dû bien le payer, peut-être même pour l’assassiner. Ici. Maintenant. Il recula d’un pas. L’Italien parut surpris.
    — Qu’est-ce que tu fais ? Reste donc près de moi. À tous les deux, nous avons une chance de leur échapper.
    Ses narines mobiles et poilues s’ouvraient et se fermaient comme si elles voulaient prendre le vent. Ses pectoraux tremblaient, beurrés par la sueur. Guillaume recula encore. Il n’y avait que deux possibilités de fuir : par l’intérieur de l’atelier de serrurerie ou en empruntant le corridor. La première solution était trop dangereuse si, comme il le soupçonnait, l’atelier était maintenant fermé. Restait la seconde. Il calcula la distance qui le séparait de l’esplanade. De là, sans ses chaînes, il pourrait peut-être atteindre la cour et se mettre sous la protection de l’écrivain du 5 e  bureau, ce Thomazeau à qui l’intendant l’avait recommandé au moins une fois, lorsqu’il lui avait

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