Les grandes dames de la Renaissance
gouvernante et se posta derrière un rideau.
À deux heures du matin, le roi, les genoux un peu flageolants, sortit de chez la demoiselle, accompagné de son inséparable connétable.
Diane écarta brusquement le rideau qui la cachait. Elle était livide. Elle tremblait.
Le roi et le connétable parurent très étonnés de la voir surgir devant eux. Ils prirent un air penaud.
Écoutons Alvaratto nous conter la scène :
« Elle se jeta au-devant d’eux :
« – Ah ! sire, s’écria-t-elle, d’où venez-vous ?… Quelle trahison est-ce là et quelle injure vous êtes-vous laissé persuader de faire à messieurs de Guise, qui sont vos serviteurs si dévoués et que vous aimez tant, à la reine, à votre fils qui doit épouser la jeune fille gouvernée par cette dame. De moi, je ne dis rien parce que je vous aime, comme je l’ai toujours fait, honnêtement…
« Sa Majesté répondit :
« – Madame, il n’y a là aucun mal, je n’ai fait que bavarder…
« Alors Diane se tourna vers le connétable :
« – Et vous ! êtes-vous donc assez méchant non seulement pour supporter, mais encore pour conseiller un roi de faire une chose pareille ? Vous n’avez pas honte de nous faire une telle injure, à messieurs de Guise et à moi, qui vous avons tant favorisé auprès de Sa Majesté, comme vous le savez… Je vois bien que nous avons perdu notre temps et notre peine…
« Puis, incapable de se contenir plus longtemps, elle s’avança sur le roi, et les lèvres couvertes d’écume, lui lança une montagne d’injures…
« Enfin, elle dit au connétable qu’elle ne voulait plus lui parler et qu’il ne devait plus aller là où elle serait.
« Le roi tenta de l’apaiser. Elle se retourna :
« – Sire, le zèle que je porte à votre honneur et à celui de messieurs de Guise me fait et me fera toujours parler avec cette hardiesse, car je suis bien sûre que Votre Majesté ne cessera jamais de me tenir pour la fidèle servante que je suis.
« Alors le roi, voyant qu’il n’avait pu leur faire la paix, pria la duchesse de la façon la plus pressante du monde de ne rien raconter de cette histoire à messieurs de Guise. »
Et Alvarotto conclut :
« La raison qui a mû le connétable, cet homme de bien, à agir de la sorte, d’après le cardinal de Lorraine, est qu’il essaiera de se servir de cette aventure contre messieurs de Guise ; il veut que le Dauphin, quand il sera en âge, puisse refuser d’épouser la jeune reine, disant qu’elle avait été élevée par une putain. »
Bien entendu, Montmorency fut le grand vaincu de l’affaire. Tout le monde se retourna contre lui et il faillit tomber en disgrâce…
Son coup avait manqué !
Quant à la belle lady Fleming, elle resta enceinte de cette aventure et s’en montra ravie. Voici ce que nous en dit Brantôme : « Elle n’en faisoit point la petite bouche, mais très hardiement disoit en son escossiment francizé : “J’ay fait tant que j’ay pu, que, Dieu mercy, je suis enceinte du roy, dont je m’en sens très honorée et très heureuse ; et je veux dire que le sang royal a je ne sçay quoy de plus suave et friande liqueur que l’autre, tant que je m’en trouve bien, sans compter les bons brins de présents que l’on en tire.” »
Ces discours maladroits exaspérèrent le roi et fâchèrent la reine qui, abandonnant complètement le pauvre connétable, se ligua avec Diane contre l’Écossaise.
Les deux femmes, on s’en doute, n’eurent aucune peine à faire chasser de France cette belle fille trop bavarde.
Lady Fleming retourna donc en Écosse avec un gros garçon vagissant sur les genoux et d’exaltants souvenirs…
Son fils, nommé Henri d’Angoulême, devint grand prieur de France.
Ce qui prouve qu’on peut attendre les conséquences les plus inattendues d’un drame d’alcôve…
Lorsque la scène qui s’était passée dans la chambre de lady Fleming fut connue, un grand éclat de rire secoua la Cour. « La seule pensée, nous dit un historien du temps, que le roi ait osé faire coupe [162] M me de Valentinois rendit, pendant quelques jours, la vie plus agréable à de nombreuses personnes. »
Des poètes, qui tinrent, bien entendu, à rester inconnus, firent sur l’aventure des chansons, dont certaines sont extrêmement gaillardes. Je ne citerai que ces trois couplets :
Il s’est fait écosser le jonc
Par une fillette d’Écosse
Diane les vit sur le gazon,
Et
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