Les grandes dames de la Renaissance
la position extraordinaire qu’elle occupait auprès du roi. Il ne fallait pas que Catherine mourût, car il ne fallait pas qu’Henri se remariât avec une de ces femmes jeunes et belles que les Cours d’Europe étaient toutes prêtes à lui offrir. C’était simple, mais les braves gens, qui ont le cœur pur, ne pouvaient y penser…
Et Catherine guérit.
Abandonnant aussitôt drogues et tisanes, la favorite retourna à ses occupations militaires. Dès lors, tout passa par elle. Écoutons Guiffrey : « Dans les grandes choses comme dans les plus petites, partout se manifeste l’intervention de la duchesse. Faut-il des subsides, des munitions, des renforts pour la défense de la frontière attaquée ? Les plus grands capitaines en sont réduits à solliciter de Diane les secours nécessaires… Elle emploie à leur répondre les formules les plus humbles, les protestations les plus obséquieuses ; mais il n’y a pas à s’y laisser prendre. »
À Brissac, assiégé dans Saint-Damain, elle écrit, par exemple :
Quant à ce que mandez pour avoir des forces plus que n’en avez, je vous puis assurer que le Roi ne vous veut point laisser dépourvu… Votre plus qu’entière bonne amie, Diane.
Naturellement, elle réservait tous ses soins aux Guises [164] . Et François de Lorraine lui écrivit en août 1552 :
Je ne puis garder de me souvenir encore de la particulière grâce que vous m’avez faite, et du singulier contentement que j’en ai, en mettant en peine de vous pouvoir de plus en plus servir et non moins et, ayant bon espoir d’en recueillir bon fruit et non moins pour vous que pour moi me mettant dorénavant être autre mon intérêt que le vôtre.
Cette lettre dut, malgré son style bizarre, remplir Diane de joie ; car la reconnaissance de la Maison de Lorraine était ce qu’elle recherchait le plus au monde.
Elle répondit :
J’ai reçu les lettres qu’il vous a plu m’écrire et comme par icelles me remerciez de ce que j’ai fait pour vous, je vous assure, Monsieur, que, quand il sera question de vos affaires, je ne perdrai jamais la volonté de m’y employer… Votre humble à vous obéir,
Diane de Poitiers .
L’effort conjugué de la favorite et des Guises fut bientôt couronné de succès.
Le 1 er janvier 1553, Charles Quint, qui assiégeait Metz depuis deux mois et demi avec 60 000 hommes, dut se retirer sans avoir tenté un assaut. Il laissait aux mains de François de Lorraine une partie de son matériel et dix mille blessés.
Ses pertes s’élevaient à vingt mille hommes…
En février, François fut reçu triomphalement à la Cour et Diane partagea sa gloire. Personne ne souriait plus en la voyant. L’affaire Fleming était oubliée.
Cependant la guerre se poursuivait, et les troupes de la Maison de Lorraine continuaient de bousculer les armées en déroute de l’empereur atterré.
Diane paraissait au sommet de sa puissance. Alors Catherine, torturée par la jalousie, chercha à ramener l’attention vers elle. D’accord avec le connétable, elle envoya Strozzi en Italie pour déclarer la guerre à Florence, qui était aux mains d’un ennemi des Médicis.
Ainsi, les deux femmes avaient chacune sa guerre, et les morts de l’une réjouissaient atrocement l’autre.
Mais, à ce jeu atroce, la reine eut moins de chance que sa rivale : Strozzi fut écrasé à Marciano, Sienne succomba et elle dut subir l’ironie méprisante de la favorite.
La haine qu’elle lui vouait l’habita alors tout entière et, regrettant de n’avoir pas accepté l’offre de Tavannes qui lui avait proposé jadis de couper le nez de Diane, elle rêva de défigurer cette femme de cinquante-huit ans, dont l’énervante beauté tenait du prodige.
Elle fit appeler Jacques de Savoie, duc de Nemours, et lui demanda de préparer un mélange d’acides corrosifs « propres à être jetés avec de grands inconvénients au visage de M me de Valentinois ».
Quelques jours plus tard, une petite bouteille d’aspect anodin se trouvait dans l’armoire secrète de la reine. Mais Catherine de Médicis ne devait pas s’en servir ; car les Guises subirent soudain, devant Thérouanne et Hesdin, de telles défaites qu’en considérant les traits tirés de Diane elle se jugea suffisamment vengée [165] …
Tandis que Diane et ses amis de Lorraine continuaient à diriger une guerre dont ils attendaient gloire et profits, le connétable de
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