Les grandes dames de la Renaissance
Montmorency engageait secrètement des négociations avec Charles Quint. Le vieil empereur était fatigué, malade et découragé par ses récents revers ; les pourparlers furent rapides. Et, le 5 février 1556, Henri II, que le connétable avait réussi à convaincre de la nécessité de faire la paix, signait la Trêve de Vaucelles.
Ce traité, qui laissait à la France toutes ses conquêtes : les Trois Évêchés, la Savoie, le Piémont, Montferrat, les places de Toscane et du Parmesan, constituait une telle victoire pour Henri II que Charles Quint, effondré, abdiqua aussitôt et se retira au monastère de Yuste dans l’Estramadure, où il devait mourir deux ans plus tard.
Toute la France fut alors saisie d’une joie effrénée : on dansa, on chanta, on fleurit les maisons, et du Bellay, pris dans la ronde, prouva que les poètes ont tort de s’intéresser à la politique en composant un poème de circonstance qui est, sans doute, ce qu’il a écrit de plus mauvais.
Au milieu de cette allégresse générale, les Guises et Diane de Poitiers montraient des yeux brillants de haine et un air crispé qui prouvaient de façon éloquente à quel point la trêve gênait leurs projets.
Ils se réunirent à Anet pour étudier la situation, et François de Lorraine demanda à la duchesse de Valentinois de faire en sorte que le pacte de Vaucelles fût rompu. Le lendemain, la favorite était chez le roi. La colère la rendit maladroite. Elle critiqua en termes violents la signature de la trêve, traita son amant de lâche et cita trop souvent le nom des Guises…
— Donnez immédiatement l’ordre de reprendre les armes, dit-elle enfin.
Cette fois, Henri II fut agacé. Il répondit à Diane d’un ton sec qu’il n’avait de conseil à recevoir de personne.
La duchesse resta pétrifiée. Jamais le roi ne lui avait parlé ainsi. Les lèvres tremblantes, elle se raidit :
— Soyez assuré qu’il se passera quelques jours avant que vous revoyiez mon visage, dit-elle.
Et elle partit en claquant la porte.
Le roi, étonné lui-même de ce qu’il venait de faire, resta un moment décontenancé. Enfin, une idée lui vint qui le fit sourire : l’attitude de Diane le rendait libre.
Il se leva aussitôt, remit sa toque de velours, quitta sa chambre et s’en alla d’un pas allègre vers l’appartement d’une dame de la Cour, la gracieuse baronne Nicole de Savigny, qu’il avait remarquée quelques jours auparavant.
La belle était chez elle. Le roi quitta sa toque et lui expliqua ce qui l’amenait.
— Oh ! sire, bégaya Nicole, transportée de joie, est-ce possible ? Je ne pouvais pas me douter que Votre Majesté…
Puis, voyant que le souverain ne semblait pas d’humeur à bavarder, elle se déshabilla. Alors, sans rien dire, Henri II la prit par le bras, la conduisit vers le lit à baldaquin, l’aida à monter et la rejoignit d’un bond, car il était sportif…
Trois heures plus tard, le roi remettait sa toque de velours et descendait dîner, laissant Nicole de Savigny heureuse, haletante et le sein enrichi d’une semence qui allait lui donner un beau garçon [166] …
Cette liaison n’eut pas de suite, car Diane, informée par sa police personnelle, vint, dès le lendemain, trouver le roi. D’un mot, d’un sourire, elle sut retrouver toute la tendresse de son amant ; et c’est lui, comme toujours, qui demanda pardon…
Dès qu’elle eut retrouvé sa place, la favorite n’eut qu’une pensée : amener le roi à reprendre les armes. Elle manœuvra cette fois avec une telle habileté que Henri II se laissa mener comme un enfant et que, en octobre 1556, la trêve de Vaucelles était rompue…
Cette faute insensée allait mettre le royaume de France à deux doigts de sa perte et créer un ensemble de faits désastreux dont Louis XIV, un siècle plus tard, aurait encore à se préoccuper…
Philippe II, successeur de Charles Quint, ulcéré par ce qu’il considérait comme une « félonie du roi Henri II », massa des troupes à la frontière de l’Artois et, brusquement, envahit la France. Le connétable de Montmorency ne s’attendait pas à une attaque aussi rapide. Il dut reculer et fut battu finalement devant Saint-Quentin (10 août 1557). La route de Paris était ouverte à l’ennemi…
Aussitôt un vent de panique souffla sur la capitale. Les Parisiens, en longues et misérables files, partirent vers le sud, chargés de hardes, de provisions et
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