Les grandes dames de la Renaissance
d’objets hétéroclites.
La France semblait perdue. Tout le monde pleurait. Tout le monde, sauf Diane qui, torturée par ses ressentiments, oubliait la situation tragique du royaume pour se réjouir de la défaite de son vieil ennemi le connétable de Montmorency, dont les Espagnols avaient réussi à s’emparer…
La Cour, prévoyant un épouvantable désastre, fuyait, affolée, d’un château à l’autre. Tout annonçait la fin…
Heureusement, Philippe II commit une faute inespérée. Rendu inquiet par des succès trop faciles, il n’osa pas se diriger sur Paris et perdit un temps précieux que Henri II mit à profit pour organiser une défense.
La capitale fut sauvée ; mais les Espagnols prirent Saint-Quentin, Ham et Catelet…
Puis la roue sembla tourner : cinq mois plus tard, en plein hiver, le duc de Guise parvint à enlever de vive force la ville de Calais, où les Anglais étaient établis depuis deux siècles…
L’événement, tout à fait inattendu, réconforta les Français. On s’embrassa, on chanta, on dansa, et cette victoire fit oublier pendant quelques jours les dangers qui menaçaient le royaume. Exaltation dont les braves gens, un peu éberlués, sortirent un beau matin pour s’apercevoir, en lisant l’annonce d’un nouveau désastre, que la guerre continuait… Une guerre où il n’y avait ni vainqueur ni vaincu, rien que des hommes épuisés qui se battaient par habitude et sans savoir pourquoi.
Alors le Pape intervint. Et ce n’est ni à Henri II, ni à Philippe II qu’il s’adressa, mais à celle que toute l’Europe tenait pour responsable de ce conflit ridicule. Sur un ton affectueux et presque déférent, il lui demanda d’intervenir pour que cessent les combats.
Diane de Poitiers dut éclater d’orgueil en recevant cette lettre qui la plaçait au rang d’une souveraine :
C’est un devoir pour Nous, écrivait Paul IV, qui sommes à la tête du troupeau des fidèles, que d’exhorter les princes à la paix. Et ce devoir est particulièrement impérieux pour ceux qui peuvent se prévaloir d’autorité sur les princes ou de faveur de leur part. C’est votre rôle aussi, chère fille, que d’appuyer de toutes vos forces, auprès du roi très chrétien, l’action que Nous menons, œuvre pie et nécessaire, de joindre à Nos prières, à Nos exhortations, vos prières et vos exhortations, afin que l’esprit du roi soit d’autant plus enclin à recevoir les conseils de la paix qu’il aura été mieux engagé par les supplications et les efforts combinés des siens [167] .
Jamais encore un Souverain Pontife n’avait écrit personnellement à une favorite. Aussi ce geste de Paul IV fut-il diversement commenté à la Cour. Et certaines dévotes s’étonnèrent que le Saint Père ait adressé de si nobles paroles à une concubine, disant « que c’était reconnaître comme bon et honorable le visqueux état de putain »…
Aussitôt, Diane, flattée, voulut prouver qu’on ne lui attribuait pas à tort le pouvoir absolu sur le roi de France, et elle poussa Henri II à signer la paix.
Des négociations rapidement menées aboutirent alors au désastreux traité de Cateau-Cambrésis. La France gardait Calais et les Trois Évêchés, mais rendait Thionville, Marienbourg et Montmédy, renonçait à toute prétention en Italie, abandonnait le Bugey, le Milanais, le comté de Nice, la Bresse et la Corse.
Seule Diane de Poitiers obtenait, à titre exceptionnel, de conserver le marquisat de Crotone, le comté de Catanzaro et quelques autres terres dans le royaume de Naples…
Ainsi cette guerre, qui se terminait si mal pour la France, ne faisait rien perdre à la favorite…
27
Marie Stuart fait mourir François II d’épuisement
Ce n’est pas de faire l’amour qui est fatigant.
C’est de ne pas y parvenir…
Sacha Guitry
Délivrée de ses soucis militaires, Diane reprit sans tarder la lutte contre les protestants, à l’égard de qui elle se montrait toujours impitoyable. Devenue la grande dame du parti catholique par le hasard des intrigues, tout comme Marot était devenu le chantre de la Réforme, elle avait fini par croire qu’elle accomplissait une mission divine, et sa haine était stupéfiante. Un jour, à la suite d’une procession solennelle, elle se rendit avec Henri II à une fenêtre de l’hôtel des Tournelles pour assister au supplice de quatre huguenots. Et, tandis que les malheureux hurlaient de douleur,
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