Les grandes dames de la Renaissance
faites pour scandaliser et irriter les esprits faibles.
Les protestants se promenaient à la porte des couvents en chantant des refrains obscènes sur les moines et les nonnes, et les catholiques accusaient les réformés de se livrer à la débauche au cours de leurs réunions. On parlait d’orgie, et Claude Haton donne le ton lorsqu’il nous dit dans ses Mémoires : « Est à noter que pour ce temps plusieurs femmes des villes de France estoient ensorcelées en ceste religion luthérienne. Lesquelles dames, pour assister aux-dites assemblées, se déroboient à leurs maris… principalement de nuict ou au soir. La plupart desquelles, la première fois y allant estoient femmes et filles de bien de leurs corps, qui au retour s’en revenoient putains et paillardes… »
Des accusations plus précises étaient portées publiquement contre des épouses pourtant irréprochables, dont on donnait les noms. « Toutes les huguenotes, disait-on, ne sont que filles à trousser et farouches suceuses de moelles. » Ces surnoms déplurent. Et, pour se venger, certaines de ces dames, rendues folles par la colère, commirent des actes extravagants dans des églises. L’une d’elles, à Orléans, réussit à voler les vases sacrés de l’église Sainte-Euverte, et, s’accroupissant devant tout le monde, urina dedans…
Bref, il ne fallait plus qu’une étincelle pour déclencher la grande tuerie.
Cette étincelle allait jaillir à Vassy le 1 er mars 1562, lorsque soixante protestants furent massacrés sur l’ordre du duc de Guise…
Cette fois, la guerre civile commençait.
Tout de suite, Condé prit, du côté protestant, la direction des opérations avec l’appui financier d’Élisabeth d’Angleterre, cependant que François de Guise prenait le commandement des troupes catholiques avec l’appui du roi d’Espagne.
On se battit à Rouen [180] , dans les faubourgs de Paris, et finalement à Dreux où quinze à seize mille hommes se trouvèrent en présence. Les deux armées restèrent quelque temps face à face. « Chacun, dit La Noue, dans un style savoureux, pensoit en soi-même que les hommes qu’il voyoit venir vers soi étoient ses propres compagnons, parents et amis et que, dans une heure, il faudroit se tuer les uns les autres ; ce qui donnoit quelque horreur du fait, néanmoins sans diminuer le courage. »
Dès le début, la bataille tourna mal pour les réformés, et Condé fut pris.
Les protestants, privés de leur tête, allaient-ils être désemparés par cette défaite ? Non, car le destin est un prodigieux dramaturge : la situation, un instant déséquilibrée, fut en effet rétablie deux mois plus tard, lorsque Poltrot de Méré assassina François de Guise…
Alors Catherine de Médicis offrit la paix au prince de Condé.
Celui-ci, malgré sa position (il était toujours prisonnier), répondit avec une certaine morgue « qu’il devait s’entretenir des conditions d’un traité possible avec les autres chefs protestants », mais qu’il acceptait d’avoir une entrevue avec la régente.
La rencontre eut lieu le 7 mars 1563 au milieu de la Loire, dans l’île aux Bœufs, située à l’ouest d’Orléans. Condé était en compagnie du connétable de Montmorency ; Catherine de Médicis, elle, avait amené la plus belle fille de son escadron volant, M lle Isabelle de Limeuil.
La Florentine savait bien ce qu’elle faisait.
Le prince de Condé, qui était « assez porté sur la galanterie », fut fasciné par Isabelle et s’intéressa plus à ses yeux bleus qu’aux conditions de paix…
Les pourparlers durèrent plusieurs jours, et à chaque rencontre le chef protestant, voulant se montrer galant, perdait de son intransigeance. Finalement, lorsqu’elle jugea qu’il s’était suffisamment échauffé le sang, Catherine de Médicis lui présenta le texte d’un traité fort avantageux pour elle :
— La liberté contre ce traité.
La liberté signifiait Isabelle. Condé signa sans discuter.
Le soir, il était libre.
Et le lendemain, M lle de Limeuil lui montrait, dans un grand lit à baldaquin, que la régente n’était pas une ingrate et qu’elle était, elle, ardente au déduit…
Catherine de Médicis laissa Condé et Isabelle se savourer mutuellement pendant quelques jours, puis elle appela sa demoiselle d’honneur et lui donna une nouvelle mission. Il s’agissait de décider le prince à reprendre Le Havre, ville dont les protestants
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