Les grandes dames de la Renaissance
avaient fait cadeau à Élisabeth d’Angleterre en échange de son aide pendant la guerre civile de 1562.
De la reconquête du grand port dépendait la sécurité de la Normandie, et Catherine voulait rassembler toutes les forces du royaume pour mener à bien cette entreprise difficile.
Or, déjà, Coligny et Andelot lui avaient fait savoir qu’ils refusaient de porter les armes contre Élisabeth, leur alliée de la veille.
Restait Condé, qui, seul, pouvait entraîner avec lui les troupes protestantes… Isabelle fut donc chargée d’obtenir son concours par tous les moyens.
Elle commença par l’emmener dans sa chambre où elle lui fit « mille petites agaceries propres à échauffer le tempérament ».
Le prince n’avait eu, jusqu’alors, que des maîtresses passives ; les initiatives d’Isabelle l’éblouirent et le troublèrent à la fois. Devant ses yeux révulsés, ses halètements et ses cris rauques, la charmante jeune fille comprit qu’elle l’avait bien en main…
Après quelques petites séances de ce genre, ce ne fut pour elle qu’un jeu d’enfant d’amener Condé à vouloir reprendre Le Havre. Il lui eût, d’ailleurs, tout aussi bien donné la tête de l’amiral Coligny pour qu’elle s’en fît une garniture de cheminée tant il était amoureux…
La décision du chef protestant fut rapidement connue. Elle stupéfia les Anglais, qui ne s’attendaient pas à une telle marque d’ingratitude à leur égard ; et leur ambassadeur, Sir Thomas Smith, écrivit au secrétaire d’État Cecil : « Condé est un autre roi de Navarre, il s’est mis à s’affoler des femmes. Dans peu de temps, il se montrera hostile à Dieu, à nous et à lui-même [181] . »
Il ne croyait pas si bien dire. Car, quelques semaines plus tard, l’amant d’Isabelle de Limeuil était, en personne, devant Le Havre, l’épée à la main.
Foudroyés par l’artillerie qu’il dirigeait, les Anglais durent solliciter une paix humiliante et s’embarquer piteusement sous l’œil satisfait de la Florentine.
Encore une fois, Catherine de Médicis pouvait être contente de M lle de Limeuil.
L’attitude de Condé n’avait pas surpris que les Anglais. Bien des réformés ne se cachaient pas pour blâmer ce prince qui s’était séparé de Coligny et d’Andelot pour plaire à une jolie femme.
Et, comme il l’avait fait à Antoine de Navarre, Calvin lui écrivit de Genève une lettre d’amers reproches :
Vous ne doutez pas, Monseigneur, que nous n’aimions votre honneur, comme nous désirons votre salut. Or nous serions traîtres en vous dissimulant les bruits qui courent. Quand on nous a dit que vous faites l’amour aux dames, cela est pour beaucoup déroger à votre autorité et réputation. Les bonnes gens en seront offensés, les malins en feront leur risée.
Ces remontrances n’eurent aucun effet. « Si les plaintes des réformés, écrit tristement d’Aubigné, alloient jusques au prince de Condé, les caresses de la reine mère et les amours de Limeuil occupèrent tout son esprit [182] . »
Condé ne se remit pas à la tête du parti protestant, et Isabelle l’emporta sur Calvin.
Il se produisit alors un événement que n’avait certes pas prévu la reine mère : M lle de Limeuil devint amoureuse de Condé. Et la belle, qui s’était soigneusement gardée, jusque-là, de l’enflure de ventre, oublia toute prudence entre les bras de son amant et se trouva enceinte.
Redoutant la colère de la Florentine, qui avait rigoureusement interdit aux jeunes femmes de son escadron volant de se laisser mettre dans cet état pendant les « heures de service », elle dissimula son embonpoint le mieux qu’elle put.
Elle y parvint si bien que son accouchement stupéfia tout le monde. Cela se passa au mois de mai 1564 à Dijon, où elle se trouvait avec la reine mère et le jeune Charles IX. « Un jour, nous dit Hector de la Ferrière, que Catherine tenait une audience solennelle, Isabelle se trouva mal subitement. Emportée dans une chambre voisine, elle y donna le jour à un fils [183] . »
« Pour une personne si avisée, remarqua le brave Mézeray, on ne s’explique pas trop comment elle prit si mal ses mesures. »
Le lendemain, on apprit avec stupéfaction qu’Isabelle avait été arrêtée sur l’ordre de la reine mère et conduite au couvent des Cordelières d’Auxonne. Tant de sévérité pour une « enflure du ventre » ? Non, M lle
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