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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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entre le chariot de la reine et celui de ses maîtresses. Depuis trois ans, Anne savait qu’on ne pouvait empêcher ce malade de la tromper sans risquer de le voir devenir fou ; et elle s’ingéniait à cacher de son mieux la jalousie qui la torturait.
    Pourtant, lorsque le roi arrêtait toute la caravane et s’absentait un quart d’heure sous les fougères avec une de ses belles amies, la petite Bretonne avait bien du mal à retenir ses larmes.
    Mais elle ne protestait point et demeurait dans son chariot à contempler un coquelicot au bord du chemin ou une touffe de pimprenelles en attendant que son infortune se complétât…
    Après ces haltes galantes, Charles VIII revenait vers sa femme, souriant et faraud.
    — Il me plaît de penser, madame, disait-il, que toute la gloire de cette expédition rejaillira sur vous qui l’avez inspirée…
    La reine baissait la tête en soupirant. À ces belles et nobles paroles, elle eût préféré une étreinte brutale sur un lit de gazon…
     
    Le convoi suivit la Loire, puis l’Allier. Il traversa Orléans, Gien, Cosnes, Nevers et arriva à Moulins où habitait Anne de Beaujeu qui avait quitté la Cour à la fin de sa régence et qui n’était plus maintenant que la duchesse du Bourbonnais.
    Celle qui avait été pendant huit ans « roi de France », selon le mot de Brantôme [38] , désapprouvait la campagne qu’entreprenait son frère. Elle le lui dit.
    — Je suis sûr de réussir, répondit Charles. Car j’ai l’aide totale de Ludovic Sforza, prince du Milanais. Vous avez habilement gouverné, ma sœur, pendant votre régence, mais vous étiez timorée. Moi, je rêve d’aventures. Après avoir conquis le royaume napolitain, j’irai combattre les Turcs infidèles, au cours d’une nouvelle croisade. Et M me  Anne sera reine de France, de Naples et de Constantinople…
    La jeune souveraine ne comprenait pas que Charles eût besoin d’entraîner toute une armée au-delà des Alpes pour conquérir son cœur, alors qu’un peu de gentillesse et de fidélité eût suffi ; mais elle ne dit rien et pensa que, lorsque ce trop bouillant époux aurait satisfait son besoin d’aventures et d’escapades, il lui reviendrait complètement.
    Deux jours après avoir quitté Moulins, la caravane arriva à Lyon qui fit un magnifique accueil aux souverains. Des fêtes grandioses furent organisées en leur honneur et l’on mit le plus bel hôtel de la cité à leur disposition.
    — Cette ville est aimable, dit le roi, nous serions fautifs en passant trop rapidement.
    Et, sous prétexte que certains détails d’ordre militaire étaient encore à régler, il décida de s’attarder au bord du Rhône.
    Six mois plus tard, il y était encore.
    Pourtant, on aurait tort de croire que seule la gentillesse des habitants retenait Charles VIII à Lyon… Le charme des habitantes y était aussi pour quelque chose…
    En effet, le roi, dont l’œil s’allumait à chaque fois qu’un jupon passait devant lui, avait, dès le premier jour, remarqué dans la haute société lyonnaise un nombre considérable de jolies femmes. Et il s’était promis de les faire entrer toutes dans son lit avant de partir pour Naples [39] .
    Leur conquête, il faut bien le dire, avait été rapide et, en quelques semaines, il les avait connues « sans en excepter aucune ».
    Hélas ! cette débauche le fatigua énormément, au point, nous dit un chroniqueur, « que sa chair fondit autour de ses os comme si son corps, telle une outre percée, se fût vidé dans l’honneur des dames » [40] .
    Quelques personnes s’inquiétèrent de voir le roi dans cet état de faiblesse et tentèrent de lui démontrer que la majesté du trône s’accordait mal avec de telles turpitudes. Elles n’y parvinrent point, car Charles était poussé sur la voie de la luxure par le duc d’Orléans, qui se faisait, nous dit son historien, Saint-Gelais, « l’ordonnateur des passe-temps frivoles du souverain ».
    Louis espérait ainsi épuiser les forces de son malingre cousin et prendre la direction de la campagne d’Italie. Son dessein n’était pas – pour l’instant du moins – de s’emparer de la couronne, mais de récolter toute la gloire de cette expédition qui s’annonçait facile et de devenir un héros aux yeux de la petite reine dont il était toujours amoureux.
    Il oubliait que les maigres ont souvent – surtout dans le domaine amoureux – une résistance stupéfiante. Le roi pouvait

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