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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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les Infidèles afin de guerroyer saintement.
    Mais, s’il rêvait de s’emparer de la capitale turque, c’était moins pour porter le titre de roi de Constantinople que pour s’approprier le harem du sultan Bajazet dont on lui avait vanté l’extraordinaire variété. Et il se voyait déjà entouré de jeunes négresses odorantes, de Barbaresques épilées et de Caucasiennes à la peau satinée…
     
    La fête de nuit donnée en l’honneur de Léonora fut extraordinaire. À dix heures du soir, sous les arbres du parc illuminé, un banquet réunit plus de deux cents personnes. Des mets rares – et épicés – y furent servis dans de la vaisselle d’or par des Napolitaines d’une beauté exceptionnelle qui portaient des jupes fendues depuis la ceinture, montrant ainsi, à chaque pas, beaucoup plus qu’il n’est convenable de laisser voir dans un dîner.
    Toutefois, les jambes admirables de ces charmantes personnes ne constituaient pas le plus étonnant spectacle de la soirée. En effet, la favorite de Charles VIII émerveilla – et stupéfia – tout le monde en paraissant à table la poitrine nue…
    Après le repas, on dansa dans le parc, et les jolies serveuses, abandonnant l’office, vinrent se mêler aux invités. Elles étaient fort peu vêtues et furent rapidement entraînées dans quelques fourrés ombreux…
     
    Durant plusieurs jours, tous ceux qui avaient été conviés à cette fête s’esbaudirent au souvenir des heures savoureuses passées sur le gazon, au clair de lune ; puis, un matin, un chevalier éprouva quelques picotements qui l’intriguèrent.
    Le lendemain, il ressentit des douleurs plus vives, et bientôt son corps se couvrit de pustules.
    Fort inquiet, il appela un médecin qui ne put venir le soigner, attendu qu’à la même heure presque tous les invités du roi étaient atteints de ce mal étrange [43] …
    Les malheureux payaient bien cher un petit moment de détente ; ils avaient des croûtes de la tête aux pieds, certains perdaient les lèvres, d’autres les yeux. Ces derniers étaient d’ailleurs les plus heureux, car ils n’avaient pas le douloureux spectacle de leur « humanité » tombant sur le sol comme un fruit gâté…
    Au bout d’un mois, l’épidémie avait fait de véritables ravages dans les rangs de l’armée française. Car les jolies serveuses du banquet royal n’étaient pas les seules « dépositaires » de cette effrayante maladie : la plupart des Napolitaines avaient « le poison dans leur chair », et des milliers de soldats furent rapidement atteints.
    Des centaines moururent, et l’on se demanda quelle pouvait être l’origine de ce mal épouvantable et inconnu. Des histoires extravagantes furent alors colportées. Certains médecins racontaient que tout venait d’une femme qui avait été contaminée par un lépreux, d’autres affirmaient qu’il s’agissait des conséquences d’un acte de cannibalisme et accusaient des soldats d’avoir mangé de la chair humaine, d’autres enfin soutenaient que cette maladie était due au commerce d’un individu avec une jument atteinte du farcin…
    En réalité, il s’agissait tout bonnement de la syphilis, contractée en Amérique par les marins de Christophe Colomb et apportée en Italie par les mercenaires espagnols de Ferdinand d’Aragon, le malheureux roi de Naples, chassé de son trône par les Français.
     
    Le mal se répandit avec une rapidité incroyable et de hauts personnages en furent atteints. Des évêques, des cardinaux perdirent leur nez, et le pape lui-même n’échappa pas au virus. Alors des médecins charitables expliquèrent gravement que cette maladie très contagieuse se transmettait par l’air, le souffle et même par l’eau bénite… Ainsi l’honneur de ces saints hommes fut-il sauf.
    Charles VIII, épouvanté par les effets de cette maladie, résolut de quitter sans tarder un pays où les femmes étaient aussi dangereuses. Le 25 avril, il se fit précipitamment couronner roi de Naples, et le 1 er  mai, après avoir désigné un vice-roi qui n’avait pas froid aux yeux, Gilbert de Montpensier, il reprit le chemin de la France.
    Cette aventure italienne avait été peu glorieuse en somme ; il en revenait avec un visage grêlé par la variole contractée à Asti, un album secret contenant «  le Portrait des demoiselles du roy » (celles qu’il avait connues en route) et des soldats porteurs de ce « mal de Naples » qui allait

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