Les grandes dames de la Renaissance
grands cris. Et Louis XII, quelques jours après, jugea prudent de prendre plusieurs mesures propres à se rendre populaire : il diminua les tailles et exempta la capitale du don de joyeux avènement…
Après quoi – et comme la réponse de Rome tardait à arriver – il continua de faire sa cour à la reine Anne qui, redevenue simple duchesse de Bretagne, s’occupait activement de l’administration de son duché.
Prêt à tout pour obtenir une promesse de mariage, le roi amoureux rendit à celle qu’il devait appeler un jour « sa Bretonne » les places de Nantes et de Fougères, geste qui la toucha infiniment.
Un peu plus épris chaque jour, il délaissait les affaires de l’État pour aller passer son temps auprès d’elle à l’hôtel d’Étampes où elle s’était installée. Tout Paris ne tarda pas à en jaser. On en fit des chansons et la jeune femme, beaucoup plus habile que Louis XII, craignit qu’une telle assiduité ne compromît à tout jamais une union qu’elle espérait secrètement autant que lui. Elle décida de quitter Paris et d’aller vivre à Nantes, en attendant que le pape ait rompu le mariage royal.
Un matin que Louis venait comme à l’accoutumée lui murmurer quelques tendres propos, elle lui annonça sa décision. Louis fut affolé. Se jetant à ses pieds, il lui redemanda si elle deviendrait sa femme lorsque le divorce serait prononcé. Cette fois, Anne accepta. Alors, en homme méticuleux, il fit rédiger deux actes fort précis, l’un déclarant que « lorsque l’union forcée de Louis avec Jeanne de France serait annulée, le mariage aurait lieu », l’autre précisant que « Louis évacuerait toutes les places de Bretagne, à l’exception de Nantes et de Fougères qu’il garderait en gage ». Si son mariage n’était pas cassé au bout d’un an, Anne reprendrait sa liberté et ses deux places [51] .
Quelques jours plus tard, la jeune femme, ayant convoqué ses États à Rennes, quittait Paris accompagnée de grands seigneurs français et bretons.
Le 28 septembre, elle était à Nantes, guettant déjà le courrier qui viendrait lui annoncer que le pape lui permettait d’épouser l’homme qu’elle aimait depuis douze ans…
Louis XII attendait la réponse de Rome sans inquiétude. Il savait qu’Alexandre Borgia était un pape d’un modèle peu courant, dont on pouvait obtenir à peu près tout, à condition de flatter sa luxure ou sa cupidité.
— S’il refuse d’annuler mon mariage, disait le roi, je lui offrirai de l’argent, et, si cela ne suffît pas, je lui enverrai quelques belles Tourangelles pour enrichir son ballet…
Le pape avait, en effet, un ballet voluptueux qui lui servait de remède contre la tristesse. Les soirs où il se sentait un peu de vague à l’âme, et où sa favorite Giulia Farnèse n’était plus capable de faire briller son œil pontifical, il demandait à voir danser de toutes jeunes filles fort peu vêtues.
Ce spectacle lui donnait, paraît-il, de grandes satisfactions [52] . Mais de tels plaisirs n’étaient pas du goût de tout le monde, et certains cardinaux trouvaient que le pape délaissait un peu trop la liturgie pour les demoiselles…
Louis XII était donc sûr, en envoyant à Rome quelques-unes des plus belles filles de la Cour, d’obtenir ce qu’il demandait.
Or, un matin, il reçut du pape une bulle nommant les juges qui devaient statuer sur la validité de son union avec Jeanne de France. Il y était dit que Louis d’Amboise, évêque d’Albi, le cardinal de Luxembourg, évêque du Mans, et Fernand Septensis, évêque de Ceuta, nonce du pape, devaient citer des témoins : gens d’Église, médecins, valets, matrones et suivantes, à seule fin de savoir si le mariage avait été – ou non – consommé ; mais le pape ne posait aucune condition, ce qui étonnait fort Louis XII.
Presque aussitôt, le procès s’ouvrit en la cathédrale Saint-Gatien de Tours. La reine se présenta en vêtements de deuil, accompagnée d’une dame de sa suite et de son confesseur.
Louis d’Amboise lut les raisons invoquées par le roi pour demander l’annulation de son mariage. Elles étaient au nombre de quatre : parenté au quatrième degré ; parenté spirituelle du fait que Louis XI l’avait tenu sur les fonts baptismaux ; violence exercée sur lui pour lui faire épouser Jeanne ; impossibilité de consommer le mariage.
Puis on interrogea la malheureuse reine qui, le
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