Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
Vom Netzwerk:
visage contracté, essayait de garder une contenance digne en face de ces ecclésiastiques, amis du roi, qui s’apprêtaient à tout faire pour la séparer de son mari. D’une voix douce mais ferme, elle récusa tous les motifs invoqués par Louis.
    — Votre union n’est pas valable si l’on considère que vous êtes parente avec votre mari au quatrième degré.
    — Le pape Sixte IV nous a accordé la dispense, dit-elle.
    — C’est par la force que le roi Louis XI a obligé notre roi, alors duc d’Orléans, à vous épouser, répliqua d’une voix dure un abbé.
    Elle frissonna comme si on l’eût souffletée :
    — Je ne suis pas de si bas lieu qu’il fût besoin de violence pour me trouver un époux. En outre, nous sommes mariés depuis 1476. Il est étonnant que le roi, mon seigneur, manifeste seulement aujourd’hui son mécontentement d’un fait qui s’est passé il y a vingt-deux ans…
    — Vous admettez, lui demanda le cardinal de Luxembourg, que vous êtes mal conformée ?
    — Je sais seulement que je ne suis pas jolie, ni aussi belle de corps que la plupart des femmes.
    — Vous devez bien savoir que vous n’êtes point apte au mariage.
    — Je ne crois pas. Je me crois aussi propre au mariage que la femme de mon écuyer Georges, qui est tout à fait contrefaite et qui lui donne pourtant de beaux enfants…
    Pendant des heures, les trois juges la torturèrent ainsi avec des questions humiliantes et brutales. Enfin, on en arriva au dernier argument de Louis XII.
    — Le roi vous a-t-il traitée en épouse ?
    Jeanne rougit.
    — Oui !
    Les juges crurent bon alors d’entrer dans les détails si précis que la reine, « atteinte dans sa pudeur », ne répondit aux questions qu’en baissant la tête, comme une coupable [53] .
    — Pourriez-vous nous dire où les choses se sont passées ?
    Point de mire d’une assemblée goguenarde, Jeanne fut près de défaillir en entendant cette question.
    — Vous ne pouvez pas répondre ?
    Oh ! si elle pouvait répondre, la malheureuse petite infirme, car elle se souvenait avec précision de tout ce qui concernait sa vie amoureuse avec le roi. Et, se raidissant sur son banc, elle indiqua d’une voix à peine audible les lieux où Louis avait bien voulu se montrer tendre avec elle, et le nombre de leurs « contacts ».
    — Six fois à Lignières, deux fois à Lusignan, trois fois à Orléans, une fois à Nantes, quatre fois à Amboise, murmura-t-elle.
    Elle se souvenait de tout. Il semblait qu’elle eût tenu une comptabilité scrupuleuse des caresses de son mari.
    Les juges se tournèrent vers le roi.
    — Je ne lui ai pas demandé de venir me rejoindre, dit celui-ci d’un ton excédé.
    Puis il prétendit que Jeanne le poursuivait et qu’il avait bien du mal à s’en débarrasser.
    Accusée de luxure, la pauvre éclata en sanglots. Mais elle se ressaisit bientôt et déclara que, lorsque Louis venait la voir au château de Lignières, ils cohabitaient toujours.
    Une discussion eut lieu alors entre le roi et la reine. Louis maintenant que Jeanne n’avait pas été sa femme, et celle-ci affirmant le contraire.
    Finalement, les juges délibérèrent. Atrocement gênée d’avoir dû étaler ainsi toute sa pitoyable vie intime, la reine s’écroula sur son banc, soutenue par son confesseur.
    Au bout de quelques minutes, le cardinal de Luxembourg reprit la parole :
    — Nous demandons, pour que le débat soit clos, que la reine veuille bien se soumettre à un examen corporel qui établira si elle est encore vierge comme le prétend le roi. Des matrones et des experts seront désignés par nous pour effectuer cette visite…
    Jeanne, cette fois, ne put contenir son indignation. Elle protesta avec force, disant qu’elle ne se livrerait jamais à une telle exhibition. Puis, se tournant vers Louis XII qu’elle ne croyait pas capable de parjure, elle sourit et dit avec un mélange de défi et de tendresse :
    — D’ailleurs, cette visite est inutile, car je ne veux d’autre juge que le roi, mon seigneur. S’il affirme par serment que ses imputations sont véritables, j’accepte d’avance ma condamnation…
    Le roi n’hésita pas une seconde : la sueur au front, car il avait tout de même un peu honte, il étendit la main sur l’Évangile et jura que Jeanne n’avait jamais été sa femme. La malheureuse ne s’attendait pas à une telle ignominie : elle s’effondra sans connaissance dans son fauteuil. Quant aux

Weitere Kostenlose Bücher