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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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chambre, elle stupéfia la Cour par la couleur de son costume. Alors que jusque-là toutes les reines avaient porté le deuil en blanc [49] , elle était entièrement vêtue de noir. Elle expliqua que cette teinte symbolisait la constance en amour, car elle ne pouvait déteindre…
    — J’ai perdu ma vie et mon bonheur ! s’écriait-elle avec amertume.
    Louis XII, qui trouvait la jeune reine encore plus jolie depuis qu’elle était en deuil, vint à plusieurs reprises lui rendre visite. Et Paul Lacroix nous dit « qu’il trouva la pauvre dans un tel désespoir, qu’il craignait qu’elle n’eût pas la force de le supporter ; il la réconforta en lui rappelant leur ancienne amitié et en s’offrant à elle de la meilleure sorte qu’il lui fût possible ; mais Anne de Bretagne redoublait de sanglots à la vue du duc d’Orléans, qu’elle avait aimé avant d’épouser Charles VIII… [50]  »
    Louis XII se fit si tendre et si pressant que la reine finit par avouer à ses intimes qu’il la « consolait par sa singulière bénévolence »…
    Et un jour, nous rapporte Brantôme, qu’elle pleurait devant les dames de sa suite, et que celles-ci « la plaignoient de la voir veuve d’un si grand roi et malaisément pouvoir retourner en un si haut état, elle répondit qu’elle demeureroit plutôt toute sa vie veuve d’un roi, plutôt que de se rabaisser à un moindre que lui ; toutefois, qu’elle ne désespéroit pas tant son bonheur qu’elle ne pensât être encore un jour reine de France régnante, comme elle avoit été, si elle vouloit. Ses anciennes amours avec le duc d’Orléans lui dictoient ce propos… Car malaisément se peut-on défaire d’un grand feu quand il a une fois saisi l’âme ».
    Le nouveau roi ne savait qu’imaginer pour plaire à la jeune veuve. Il eût voulu la combler de cadeaux, mais le moment lui paraissait mal choisi, et il chercha ce qui pouvait lui faire plaisir. Comme il était fort délicat, il trouva bientôt et commanda de magnifiques obsèques pour Charles VIII.
    Le corps du défunt roi fut alors conduit à Paris où on l’exposa au public. Mais, comme le voyage avait duré vingt et un jours, on avait dû placer sur le lit de parade un mannequin richement habillé dont le visage, dit un chroniqueur de l’époque, était « au plus près du vif que faire se peu ».
    Après quoi, une cérémonie grandiose eut lieu à Notre-Dame et le cortège traversa la capitale pour se rendre à Saint-Denis. La foule, dans les rues, aux fenêtres et jusque sur les toits, admira pendant des heures les plus grands personnages du royaume défilant derrière le char funèbre.
    Quand Charles VIII eut été mis au tombeau, tout le monde se déclara content de ce beau défilé : le peuple, qui avait assisté gratuitement à une de ces cavalcades dont il est friand, la reine Anne, qui n’aurait jamais pu payer un tel enterrement à son mari, le Trésor étant à sec, et le nouveau roi qui, faisant d’une pierre deux coups, avait mis en terre un rival et contenté la femme qu’il aimait.
    Après la dernière cérémonie, Anne s’approcha de Louis XII qui, pour achever de la conquérir, commandait aux religieux de l’abbaye quelques prières supplémentaires.
    Elle le considéra avec tendresse et reconnaissance.
    — C’est très gentil, dit-elle…
    Il comprit alors que son singulier cadeau avait eu l’efficacité qu’il espérait et, le soir même, il demanda à Anne si, en observance du contrat de Langeais, elle voulait bien l’épouser.
    La jeune femme était maligne. Baissant les yeux, elle se contenta de répondre en soupirant :
    — Mais n’êtes-vous point marié ?
    — Je divorcerai, dit le roi.
    Alors Anne de Bretagne rentra dans ses appartements.
     
    Il y avait longtemps que Louis XII voulait répudier la pauvre Jeanne de France, bossue et rachitique, que Louis XI lui avait fait épouser de force. Au lendemain de la mort de Charles VIII, après avoir vainement essayé de décider Jeanne à accepter une séparation à l’amiable, il avait écrit à Rome pour demander au pape Alexandre Borgia de casser son mariage.
    Voulant montrer à Anne que son intention était bien d’écarter Jeanne, il alla se faire sacrer seul à Reims le 27 mai, et fit son entrée dans Paris le 1 er  juillet sans la malheureuse infirme, qui se morfondait toujours au château de Mesnils-les-Bois.
    Le peuple fut choqué par l’attitude du roi. Il réclama la reine à

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