Les grandes dames de la Renaissance
sembler ne regarder pas aux choses que nous avons dictes ; mais en se mettant en chausses, vouloir plustost attirer les dissolus que de se défendre contre leur impudence… [123] »
Cette polémique entre les détracteurs et les défenseurs du pantalon féminin passionna la Cour pendant des mois, et peut-être aurait-on vu princes et princesses se battre pour « la chatière de dame », comme certains disaient alors, si une aventure assez curieuse n’était venue, tout à coup, vers la fin de l’été 1536, éclipser le débat « sous-vestimentaire »…
L’héroïne en fut Madeleine de France, la plus jolie fille de François I er .
Un jour, cette princesse, qui se promenait à cheval avec trois ou quatre amies, s’arrêta au bord d’une rivière.
— Baignons-nous, dit-elle.
Naturellement, cette époque, qui en était encore à inventer le pantalon féminin, ignorait le maillot de bain. Aussi est-ce seulement parées de leur candeur et d’un léger duvet que les jeunes filles entrèrent dans l’eau.
Tout à coup, l’une d’elles poussa un cri et désigna aux autres un groupe d’hommes inconnus, cachés dans les arbres, et qui les contemplaient. En un éclair, elles disparurent, se rhabillèrent en hâte, remontèrent sur leurs chevaux et regagnèrent Lyon en pensant bien que personne ne connaîtrait jamais leur aventure.
Or l’un des indiscrets était le roi d’Écosse, Jacques V…
Celui-ci, qui avait quitté son pays avec quelques gentilshommes de ses amis pour venir combattre Charles Quint aux côtés du roi de France, arrivait trop tard et s’en désolait. Il avait appris la retraite de l’empereur en traversant Paris, mais il était parti tout de même pour Lyon, car il voulait demander à François I er la main de Marie de Bourbon, fille du duc de Vendôme.
C’est en voulant faire une dernière halte avant Lyon qu’il s’était arrêté auprès de la rivière où Madeleine et ses compagnes s’ébattaient en toute innocence.
Attiré par les rires de ces demoiselles, Jacques V avait jeté un coup d’œil à travers les branches, et une nymphe lui était apparue, dont il avait pu contempler le corps parfait pendant quelques secondes.
Après la fuite des baigneuses, le roi d’Écosse remonta à cheval et continua sa route, fort troublé par la radieuse beauté entrevue et fort malheureux à la pensée que, sans doute, il ne la retrouverait jamais…
Une heure plus tard, il arriva à Lyon, où François I er le reçut avec beaucoup de grâce.
— Je veux que, ce soir même, une fête soit donnée en l’honneur de mon ami le roi d’Écosse, dit-il.
Le soir, avant le bal, François présenta les princes et les princesses de sa Cour à Jacques V, et, soudain, celui-ci pâlit : devant lui, dans une somptueuse robe de brocart, se tenait, écarlate de confusion, la nymphe de la rivière.
Deux secondes plus tard, il savait que cette demoiselle, dont il avait admiré les jambes magnifiquement dessinées et les petits seins pointus et fermes, était la princesse Madeleine.
Fort exalté, il demanda, dès le lendemain, à François I er la main de sa fille ; ce qui lui fut accordé aussitôt.
Les fiançailles donnèrent lieu à des fêtes qui durèrent tout l’automne, et le mariage fut célébré à Notre-Dame de Paris le 1 er janvier 1537. Madeleine, qui avait toujours désiré être reine et qui adorait son mari, était follement heureuse.
Au mois de mai, le jeune couple, accompagné d’un petit page nommé Pierre de Ronsard, qui commençait à versifier, s’embarqua pour l’Écosse.
Hélas ! deux mois après son arrivée dans les brumes de Linlithgow, la petite reine mourut tuberculeuse.
Elle avait dix-sept ans.
Tandis que Catherine de Médicis exhibait gaillardement ses jambes à la chasse et lançait des modes nouvelles, Henri – à qui son nouveau litre avait donné quelque assurance – faisait une cour assidue à Diane de Poitiers. La grande sénéchale, loin de sourire, comme autrefois, aux déclarations enflammées du jeune prince, se montrait plus attentive et commençait à s’émouvoir devant tant de constance.
La fidélité du dauphin était, en effet, extraordinaire. Malgré son mariage avec Catherine, il continuait de porter les couleurs de Diane, appelait celle-ci sa « dame » et lui envoyait des poèmes délirants et laborieux, sur lesquels le malheureux, qui n’était point doué comme son père, avait peiné toute une
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