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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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galerie, Edouard vérifia la présence d’une boîte circulaire dans sa poche. Des années plus tôt, lors de son premier passage dans un lieu de ce genre, il avait apporté un condom. Onze ans plus tard, cette prudence lui valait de se porter toujours très bien alors que les maladies vénériennes rongeaient quelques-uns de si s compagnons d’aventure.
    Quelques coups sur la lourde porte en chêne amenèrent un maître d’hôtel particulièrement robuste { l’ouvrir.
    Lui aussi jaugea le chaland rapidement, inquiet de reconnaître un agent de police. Les constables de Hull jouissaient d’une réputation
    peu
    enviable.
    Les
    bien-pensants
    les
    soupçonnaient d’opérer en ces endroits quelques descentes pour la forme, sans jamais mettre en péril la survie des bordels.
    Ce client semblait trop bien habillé pour être un détective. Le cerbère le laissa entrer dans le hall, puis demanda :
    — Voulez-vous boire quelque chose ?
    — Un cognac. Un double.
    Il hocha la tête, indiqua le salon d’un geste avant de disparaître dans une pièce au fond. Edouard pénétra dans un vaste séjour. Des années plus tôt, la famille d’un baron du bois profitait peut-être de soirées tranquilles en ces lieux.
    Maintenant, la douzaine de chaises et de fauteuils recevaient des jeunes femmes au costume provoquant. La plupart se contentaient d’un corset, d’une culotte et de bas de soie.

    — Veux-tu t’asseoir, mon cœur ?
    L’invitation venait d’une dame entre deux âges, la plus vêtue et la plus outrageusement maquillée de l’assemblée.
    Le visiteur s’installa { l’autre extrémité de sa causeuse pendant que le portier lui tendait son verre.
    — Elles sont jolies, n’est-ce pas ? Vous avez des préférences ?
    La tenancière parlait des femmes dispersées dans le grand salon.
    — La négresse, là ?
    Édouard voyageait peu. Excepté trois séjours aux États-Unis, dont son voyage de noces, et six peut-être à Montréal, il n’avait jamais quitté Québec. Pourtant, au gré de ses visites dans des lupanars, il achevait son tour du monde inauguré avec une Asiatique en 1907. Un moment plus tard, il gravissait un escalier en admirant les jambes et les cuisses d’un brun chocolat, impatient de mettre les mains sur des fesses { l’arrondi suggestif sous la soie de la culotte.
    En quittant les lieux, deux heures plus tard, il profita du taxi abandonné par un délégué à la convention nationale du Parti libéral. À ce moment, celui-là aussi préférait laisser le ruban écarlate au fond de sa poche. Pourtant, le visiteur venu de Québec reconnut un congressiste originaire de Sydney en Nouvelle-Ecosse.
    A neuf heures en soirée, le bordel contiendrait assez de membres du parti pour former un sous-comité afin de discuter de la politique douanière du prochain gouvernement. Les joyeux drilles ne pousseraient tout de même pas le zèle jusque-là.

    *****

    Le lendemain matin, Édouard regagna le parc Lansdowne dans un tramway bondé de délégués libéraux surexcités. Selon toute probabilité, le choix du nouveau chef serait effectué en début de soirée, peut-être même en après-midi si un candidat recevait la majorité des voix dès le premier tour.
    Quand le marchand pénétra dans le pavillon Howick, une voix retentit derrière lui :
    — Picard, je ne vous ai pas vu hier soir.
    Il
    se
    retourna
    pour
    reconnaître
    Louis-Alexandre
    Taschereau. Tous les députés libéraux provinciaux devaient maintenant être présents.
    — J’ai profité de la soirée pour prendre l’air dans les environs du parlement. Vous savez, une activité politique de ce genre représente un heureux divertissement, après toutes les heures au commerce.
    Le prétexte sembla peu crédible au politicien québécois.
    — Oh ! Vous m’étonnez: Ottawa promu au statut de lieu de villégiature ! L’idée est toutefois originale.
    Edouard s’activait dans son magasin plus de soixante heures par semaine. Mais même les plus besogneux ne trouvaient pas la capitale fédérale divertissante. Le prétendre frôlait l’hérésie.
    — Enfin, vous êtes là pour le plus important, admit le ministre. La salle doit déjà être bondée.
    Un instant plus tard, les deux hommes pénétraient dans une grande pièce réservée à la délégation québécoise. La prédiction de Taschereau se révéla exacte : toutes les chaises étaient déj{ occupées. Ils s’appuyèrent contre le mur, {
    l’arrière. Au passage, le ministre

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