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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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très entichée de lui, admit Thalie.
    — De mon côté, je n’ai pas { être entichée. Il me paie, je travaille pour lui. Nos rapports se limitent à cela.
    — Il est comment, en tant que patron ?
    L’employée se sentait un peu piégée, prise dans une situation conflictuelle à laquelle elle ne comprenait rien.
    Mieux valait répondre honnêtement.
    — Plutôt bien. Je ne dois pas trop compter mes heures, mais il se révèle moins pire que bien d’autres, même { ce sujet.
    — J’en suis heureuse pour vous. Et comment avez-vous connu mon escogriffe de frère ?
    — Il est venu au magasin. Une chose entraînant l’autre. .
    — Vous vous retrouvez au milieu de cette curieuse assemblée !
    Les derniers mots, dits tout bas, s’accompagnèrent d’une pression de la main sur l’avant-bras de Flavie. Elle trouvait en effet ces noces bien curieuses. Evidemment, entre des personnes de plus de quarante ans, parents de jeunes adultes, les choses devaient demeurer bien sages. Toutefois, le regard de la belle châtaine, en face d’elle, commençait {
    lui peser un peu.
    Le nouveau marié se chargea de relancer la conversation.
    — Gérard, Françoise me disait que vous travaillez à la Banque de Montréal.
    — C’est bien cela, depuis bientôt huit ans. Je commence toutefois à regarder ailleurs.
    — Si ce n’est pas indiscret, puis-je savoir pourquoi ?
    A cause de sa présence parmi eux, l’employé passait aujourd’hui du statut de simple «connaissance» { celui de prétendant : cela entraînait un véritable examen. Le père de Françoise entendait savoir s’il présentait un parti convenable. Que cela se passe lors de son propre dîner de noces ajoutait du piquant à la situation.
    — Pour un Canadien français, même avec une excellente connaissance de l’anglais, les chances d’avancement sont nulles, alors
    que
    du
    côté
    de
    la
    Banque
    canadienne
    nationale...
    — A votre place, je retarderais mon passage vers cet établissement, le temps de voir venir.
    Gérard Langlois présenta un visage surpris, avant de demander :
    — Comment cela ?
    — Cette institution est aux prises avec de très mauvaises créances. En réalité, une seule, mais très mauvaise: la manufacture d’instruments agricoles. .
    — . . de Montmagny compléta l’invité. La rumeur circule chez les employés, à la banque.
    Il continua après une pause :
    — Est-ce vraiment si grave ?
    — Assez pour que je vous donne ce conseil : si vous entendez changer d’emploi { court ou moyen terme, évitez cet endroit. Dans quelques mois, nous en saurons plus.
    Comme elle n’osait plus interrompre une conversation aussi sérieuse, Thalie se concentra sur son repas, interrompue seulement par les incessantes questions d’Amélie au sujet de la boutique ALFRED. L’adolescente entendait bien occuper les mois { venir en s’essayant au métier de vendeuse.
    Son autre choix serait de se cloîtrer dans l’appartement du dernier étage, ou pire encore, d’aller se réfugier dans la grande maison de Rivière-du-Loup, avec tante Louise. Elle se tuerait { l’ouvrage plutôt que de subir un pareil exil.
    Quand Thalie se leva pour aller se «poudrer le nez», une expression destinée { dissimuler l’un des avatars de la condition féminine, Flavie se leva aussi en s’excusant. Dans les toilettes, au moment où chacune sortait d’un réduit pour se pencher sur le lavabo, elle entendit :
    — Cette réception doit vous donner une curieuse idée de notre famille.
    — Oh ! Pas du tout.
    — Que de pieux mensonges ne prononçons-nous pas au nom de la politesse. Je vous pardonne. Nous sommes tous empruntés aujourd’hui, personne ne sait quelle attitude adopter au juste.
    La jeune secrétaire replaça ses bouclettes brunes en regardant son interlocutrice dans le miroir. A la fin, elle reconnut, avec un sourire en coin :
    — Je ne me sens pas à mon aise dans un endroit aussi somptueux. Vous savez, je n’ai jamais vu d’aussi jolis plats. .
    sauf dans le rayon des articles de maison, au magasin.
    — Tut, tut, tut ! Encore un mensonge de circonstance.
    La vaisselle n’a rien { y voir.
    L’autre éclata de rire, puis demanda:
    — Pourquoi me regarde-t-elle comme cela ?
    — Nous y voilà. Mathieu ne vous a rien dit?
    Maintenant, elles se faisaient face.
    — Pendant les deux ans où mon frère a été à la guerre, expliqua Thalie, nous avons tous voulu croire que Françoise était sa fiancée. Elle le croyait aussi. Mais elle

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