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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l’escalier en vrille. Son soupçon se confirma : le verrou devait prévenir des chutes douloureuses aux enfants et garantir une discrétion totale aux amants. Même en collant son oreille contre l’huis, aucun son ne lui parvenait de la chambre.
    Pour écouter directement par le trou de la serrure de la porte, elle devait soit monter, soit descendre, pour emprunter le nouvel escalier. Elle opta pour la première solution. Cela lui permettrait de faire une vérification initiale. Sous les
    combles,
    un
    étroit
    corridor
    donnait
    accès
    à
    des pièces minuscules. Elle colla son oreille à la porte de la chambre de Jeanne, ne perçut pas un bruit.
    Elle allait frapper quand la porte voisine s’ouvrit. Vêtue d’une longue robe de nuit blanche, la vieille gouvernante déclara :
    — Elle dort. Après avoir couru toute la journée pour s’occuper des enfants, elle a besoin de repos. Je peux faire quelque chose pour vous ?
    La jeune femme, interdite, bredouilla d’une voix blanche :
    — Je voudrais un peu d’eau chaude. .
    — Je vais descendre.
    La vieille domestique fit mine de s’engager dans le nouvel escalier. Eugénie pouvait difficilement la suivre dans le seul but d’espionner son époux.
    — Laissez, vous êtes sans doute fatiguée aussi. Je pourrai m’endormir sans cela.
    Vaincue, elle emprunta le vieil escalier pour retourner au premier. La maisonnée se liguait contre elle.

    Chapitre 24

    Le lendemain matin, peu après le déjeuner, Eugénie endossa un imperméable et quitta la maison. Au passage, elle jeta un regard morose sur la demeure de son père. Au moins, cette femme ne la possédait plus. Elle marcha vers la vieille ville, atteignit bientôt la porte de la sacristie de la cathédrale. Elle retrouva un chanoine à la figure sévère, son conseiller spirituel depuis quelques années.
    — Je vous remercie de me recevoir, monseigneur.
    — Je suis heureux de vous revoir. Votre séjour à la campagne a été agréable ?
    — Saint-Michel est un charmant village.
    L’appréciation se révélait bien neutre. Malgré tout, elle affichait un teint un peu moins pâle, le grand air lui avait fait du bien.
    — Suivez-moi, dit l’ecclésiastique.
    Il la conduisit dans une petite pièce { l’écart. Deux chaises leur permirent de se placer l’un en face de l’autre.
    Un silence très lourd les rendit un peu mal { l’aise.
    Finalement, la visiteuse glissa dans un souffle :
    — Il a réaménagé la maison pour elle.
    — Pardon ?
    — Pendant mon absence, mon mari a fait faire des rénovations. Désormais, il peut la recevoir dans sa chambre en toute discrétion.

    L’homme hocha la tête. Quarante ans à confesser ses semblables le rendaient imperméable à toute surprise.
    — Vous avez vous-même pris l’initiative de faire chambre
    { part, n’est-ce pas ?
    — Je n’ai pas une très bonne santé. Après trois enfants. .
    Eugénie s’arrêta. Le clergé canadien-français ne montrait pas une
    bien
    grande
    sympathie
    envers
    les
    personnes
    désireuses de limiter les naissances, même avec un moyen aussi naturel que l’abstinence imposée { soi-même et à son conjoint.
    — Le médecin me recommandait de prendre le temps de me refaire une santé.
    — Votre plus jeune enfant a un an et demi, je crois.
    L’homme d’Eglise possédait une bonne mémoire. Surtout, il inférait que le pauvre homme se trouvait écarté du lit conjugal depuis plus de deux ans.
    — Votre mari a-t-il déjà évoqué son désir de. . renouveler les liens ?
    L’euphémisme fit rougir la paroissienne.
    — Il l’évoque. .
    Elle n’osa pas dire «pour me narguer». Pour vérifier cela, il lui faudrait accepter ses approches et voir sa réaction.
    Jamais elle ne courrait le risque de supporter de nouveau ce gros corps soufflant et râlant sur le sien.
    — Vous savez, madame Dupire, votre mariage a débuté sur de bien mauvaises bases. Votre mari a appris votre. .
    erreur de façon fortuite, je crois. Sa confiance a été trompée.
    Puis, d’après vos propres paroles, vous avez vous-même décidé de le priver des avantages du mariage. .
    — Pour préserver ma santé, s’empressa-t-elle de répéter.
    Elle avait confessé son péché à ce même prêtre dès 1909.
    Pendant sa dernière grossesse, elle avait essayé de le convaincre d’intervenir auprès de son époux afin de convaincre celui-ci de renoncer de bonne grâce à ces fameux
    «avantages du mariage». Le bon abbé savait additionner deux et

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