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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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trouvaient nombreux en uniforme, les employés des maisons d’édition aussi.
    Elle se tenait dans le grand salon de la demeure de la rue Scott. Sa bru, affalée sur un divan, n’avait pas parcouru un paragraphe depuis une demi-heure. Ses yeux passaient des lignes du magazine { l’horloge posée sur le linteau de la cheminée. Un bruit leur parvint depuis la porte d’entrée.
    La jeune femme changea de posture, se tint bien droite, les mains dans son giron, comme les religieuses le lui avaient appris.

    — Je me suis trouvé de quoi boire, clama Edouard depuis le corridor. C’est cher, mais enfin, chacun a droit {
    ses petits plaisirs. Je vous sers quelque chose?
    — Pourquoi rentres-tu si tard ? Le magasin était fermé aujourd’hui.
    — Quel bel accueil !
    Elisabeth surveillait la scène depuis son fauteuil, gênée de se trouver là.
    — Nous avons attendu ton arrivée avant de passer à table, insista l’épouse en colère, avec pour seul résultat de manger froid.
    — Tu savais où je me trouvais. Je t’ai dit ce matin que je comptais me rendre au parc de l’exposition.
    — Pas jusqu’{ huit heures du soir !
    La colère la rendait un peu tremblante. Elle semblait cracher ses mots.
    — Je n’ai aucune envie d’une scène ce soir. Je m’en vais me réfugier dans la bibliothèque.
    — Ce ne sera pas nécessaire, je monte tout de suite. J’ai mal à la tête.
    Les mains l’une dans l’autre, la démarche raide, Evelyne passa devant lui en prenant bien garde de ne pas croiser son regard. Edouard demeura un moment silencieux, puis il reprit, { l’intention de sa belle-mère :
    — Toi, tu voudras bien boire quelque chose. Je vais te verser un porto.
    Sans attendre sa réponse, il se dirigea vers une armoire afin de prendre des verres.
    — Non merci, je préfère monter aussi.
    Elle ferma son livre en laissant son index { l’intérieur afin de marquer sa page.
    — Tu sais, ce matin au moment de partir, tu as évoqué une course de motocyclettes cet après-midi. Non seulement ta femme t’a attendu pour souper, mais elle se faisait une joie de ta présence.
    — . . Il y a eu un accident, le programme a été chamboulé.
    «Pour se terminer plus tôt», songea le jeune homme après avoir formulé le mauvais prétexte. Le véritable accident, c’était
    plutôt
    son
    inclination
    pour
    les
    bouclettes,
    blondes ou brunes.
    — Tu aurais pu téléphoner, au moins.
    L’homme fléchit sous ses mots. Elisabeth reconnut l’enfant de cinq ans si sensible { ses reproches.
    — Je m’excuse, laissa-t-elle tomber tout doucement en plaçant sa main sur son avant-bras. Il ne m’appartient pas de te faire des observations de ce genre. Je dois me mêler de mes affaires. Bonne nuit, je monte aussi.
    — . . Bonne nuit, maman.
    Condamné à boire seul, le jeune homme se versa un double whisky.

    *****
La soirée s’écoula très lentement, aucun sujet de conversation ne
    s’imposait
    aux
    Dupire.
    La
    vieille
    dame
    cessa
    bientôt ses efforts et préféra s’absorber dans une relecture attentive de L’Action catholique. Sa bru prit cela pour une autorisation et récupéra un roman caché sous le coussin de son fauteuil. Les deux hommes s’absorbèrent dans leurs pensées. Au moment où la grande horloge sonna dix heures, le maître de la maison demanda :
    — Fernand, m’accompagnes-tu un moment dans mon bureau ? J’aimerais te parler.
    Le jeune homme se leva en acquiesçant d’un mouvement de la tête, tendit la main afin d’aider son père { quitter son fauteuil.

    — Je vous souhaite tout de suite une bonne nuit, observa la mère. Je vais aller me coucher.
    Son fils l’aida aussi { se lever. A la surprise générale, Eugénie quitta son siège en offrant à sa belle-mère :
    — Je vais prendre votre bras. Ce sera plus facile.
    — . . Oh ! Ma chère fille, comme c’est gentil.
    La surprise sur le visage ridé témoignait de la rareté des initiatives de ce genre. Un moment plus tard, assis derrière son lourd bureau, le notaire commença :
    — Je viens de voir un miracle. Je m’approche du bon Dieu, sans doute.
    L’ironie marquait la voix usée.
    — Comment as-tu fait? demanda-t-il après une pause.
    Elle semble devenir un être humain.
    Fernand s’installa sur la chaise en face de la table de travail de son père tout en réfléchissant à la pertinence de dire toute la vérité.
    — D’un côté, je pense que la situation s’est clarifiée entre nous. Elle n’aura plus jamais

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