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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’entretenir la liaison avec Pichegru ; mais il n’existait plus, pour le moment, aucun espoir de s’accorder. Et, pendant ce temps, à Paris les événements se précipitaient, accentuant chaque jour la division entre thermidoriens et royalistes.
    L’exécution massive des émigrés, à Vannes, à Auray, où les commissions militaires, acquittant deux mille neuf cent dix-huit soldats et mille deux cents chouans, envoyaient méthodiquement à la mort les sept cent cinquante et un autres prisonniers, indignait ceux qu’avait consternés le désastre de Quiberon. La fleur de la noblesse tombait jour après jour sous les balles des pelotons. Les royalistes, les émigrés rentrés hurlaient de voir les leurs décimés de la sorte. Ils s’en prenaient à Tallien. Ils affectaient de croire à une capitulation conclue par Hoche et que Tallien aurait ensuite déniée pour requérir l’application de la loi. Lacretelle jeune – ainsi nommé pour le distinguer de son frère, également écrivain et journaliste – ayant exprimé à la belle Thérésa la douleur des royalistes modérés, n’en put obtenir que des larmes. Mais il raconta qu’elle regrettait de n’avoir pas été présente à Quiberon. Propos absurde. Sa présence n’eût rien changé, la décision n’appartenant pas à son mari. On n’en partit pas moins de là pour répandre le bruit qu’indignée elle aussi par l’hypocrisie et la férocité de Tallien elle allait divorcer. Tallien répliqua, de la tribune même, en dénonçant les séides de la droite extrême. « Ils ont, déclara-t-il, des espions jusque chez les représentants du peuple ; ils ne respectent même pas les liens les plus sacrés. » La guerre était ouverte entre les alliés d’un moment.
    « Cela devait arriver nécessairement, disait Claude à Tallien, à Barras et à Louvet. Pas plus que tu n’as pu, mon cher Jean-Baptiste, t’entendre avec Puisaye à Caen, vous ne pouviez vous entendre longtemps avec des gens qui sont nos ennemis de toujours, les dignes frères des noirs de la Constituante, les Cazalès, les Dambly, les Mirabeau-Tonneau. On revient enfin à la logique après une année de confusion. »
    Pour se renforcer, la majorité thermidorienne retournait de plus en plus vers la gauche modérée. Tout en faisant le procès de Joseph Lebon, le farouche proconsul d’Arras, on libérait les « terroristes » qui n’avaient pas de sang sur les mains. On les appelait « patriotes de 89 ». Et l’on s’empressait d’établir une constitution qui mettrait le pays à l’abri des fureurs royalistes comme des retours de l’hébertisme. Quoique toujours décrété en principe, Claude jouissait d’une complète liberté, comme Lindet, Fouché, Panis retiré à Charenton, Sergent, beau-frère à présent du général Marceau et revenu de Suisse où il s’était réfugié après Prairial, Cambon lui-même que la Sûreté générale laissait parfaitement tranquille rue Saint-Honoré.
    Ainsi que Rœderer, l’ancien procureur-syndic du département de Paris, maintenant libelliste et très lié avec Tallien, Claude allait officieusement à la Commission des onze, siégeant dans l’aile gauche du palais national. Cambacérès, Merlin de Douai y venaient parfois. Sieyès avait refusé d’en faire partie. Il possédait son propre projet, bien au point, et comptait le présenter directement à la Convention. Souveraine, la commission pouvait entendre qui bon lui semblait. Or Boissy d’Anglas, Lanjuinais, Durand-Maillane, Lesage, formant au milieu de leurs collègues un parti monarchique, voulaient comme Claude confier le pouvoir exécutif à un président. L’expérience de Mounier, son républicanisme bien connu influeraient, pensaient-ils, sur les autres commissaires, tous opposés au système présidentiel. Lanjuinais, Boissy ne désiraient un président qu’afin de le métamorphoser par la suite en monarque, et la république en monarchie à l’anglaise. Louvet ne prenait pas le change. C’est pourquoi, très favorable d’abord aux Principes d’une Constitution définis par Claude, qu’il avait lui-même publiés, et soutenus dans son journal La Sentinelle, il s’en écartait maintenant sur ce point. Il éventa d’un mot, sans avoir l’air d’y toucher, le dessein monarchique.
    « Supposez qu’on vous élise, un jour, un Bourbon ! »
    Tout était dit. Cependant Claude s’accrochait à son projet.
    « Ce que tu crains, protesta-t-il, ne serait

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