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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Trou d’Enfer. Tallien, Fréron et Barras, auxquels Claude parla après la séance, ne s’inquiétaient guère. Lui non plus. Il jugeait peu redoutable pour la république une tentative insurrectionnelle menée par des gens disparates, brouillons, divisés entre eux. Les royalistes se conduiraient là comme ils s’étaient conduits en Vendée, en Bretagne, à Quiberon. Non, leur entreprise ne présentait aucun véritable danger, – à condition tout au moins qu’elle ne s’assortît pas d’une trahison aux frontières. Il monta voir si Bernard savait du nouveau sur Pichegru.
    Dans l’ex-atelier du roi, on se consacrait, pour le moment, à la situation intérieure. Tallien et ses amis, dénués de confiance dans les bureaux militaires, à commencer par le jeune Fain, très honnête mais penchant vers le monarchisme, avaient chargé le général Delmay d’encadrer les ci-devant terroristes libérés par le Comité de Sûreté générale et secrètement réarmés par les soins d’Héron : tous anciens soldats. On voulait de vrais combattants. Leur nombre, prévoyait-on, se monterait sous peu à trois mille. Il fallait leur choisir des chefs parmi les victimes d’Aubry, et proposer des généraux pour commander les troupes de ligne si on les appelait dans Paris.
    « Tu peux mettre Carteaux sur ta liste, proposa Claude. Ce genre de guerre s’accorde avec ses facultés. En 93, il nous a rendu grand service à Villeneuve et en Avignon, contre les fédéralistes. Et pourquoi pas Buonaparte ? C’est un général extraordinaire.
    — Il ne veut pas se battre contre d’autres Français, tu l’as entendu dire cela ici même.
    — Bah ! dans un cas pressant !
    — Et puis, ajouta Bernard, je l’admire mais je n’aurais pas tellement confiance en lui. Si les monarchistes marquaient quelque avantage, il serait bien capable de se mettre à leur tête.
    — Allons donc ! Il déteste les royalistes, il a été jacobin.
    — Peut-être. En tout cas, il méprise les perpétuels. Il est révolutionnaire à la façon de Robespierre qui n’a jamais apprécié le sans-culottisme et n’aurait pour rien au monde coiffé le bonnet rouge. Si tu veux connaître toute ma pensée, je l’estime plus aventurier, plus affamé de gloire où qu’elle se cueille, que républicain, malgré son enthousiasme pour les principes de 89.
    — Tu ne te trompes sans doute pas, reconnut Claude. Bon, peu importe. As-tu des nouvelles du Rhin ?
    — Oui. Assez confuses, à la vérité. Notre Jourdan a gagné ses bases et attend que Pichegru soit sur les siennes. L’animal manœuvre d’une façon si maladroite, ou plutôt si ambiguë, que l’on ne saurait reconnaître encore ses intentions. À mon avis, il trahit ; mais sa trahison se bornera, je pense, à ne pas soutenir efficacement Jourdan, à paralyser l’offensive. J’ai déjà pris mes précautions pour ramener notre ami en sûreté.
    — Ne crois-tu pas Pichegru prêt à marcher sur Paris avec son armée, ou une partie de son armée ?
    — Oh ! non, assurément ! répondit Bernard en partant à rire. Sois tranquille là-dessus. Pichegru, tu penses si je le connais ! C’est un indécis qui, de son mouvement, ne se risquera jamais à rien. Sa campagne en Hollande peut faire illusion, mais tous ici nous savons qu’il n’aurait pas osé appliquer les plans du bureau si les représentants n’avaient été près de lui pour le fouailler et le menacer sans cesse. Ah ! tiens, si Buonaparte prenait la tête d’une conspiration royaliste, tu le verrais suivre ventre à terre. Quant à se mettre lui-même en avant, voilà une paire de manches qu’il n’enfilera jamais, je te le garantis. »
    Le 3 vendémiaire fut calme, en apparence. La seule manifestation des anticonventionnels consista, dans la journée, à envoyer députation sur députation aux troupes dont ils avaient découvert la présence à Marly, pour les endoctriner, les séduire.
    Puis, brusquement, vers la fin de la relevée, un bruit courut : la section Le Pelletier venait, racontait-on, de lancer un défi aux perpétuels. Claude l’apprit au Palais-Royal, dans la librairie de Louvet. Il triait le courrier de La Sentinelle. Les propos échangés par deux commerçants voisins, qui causaient devant la boutique, l’attirèrent vers la porte. Il s’avança comme s’il cherchait un peu plus de jour sous les arcades pour continuer sa besogne. « Non, non, disait l’un. Si vous m’en croyez, nous

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