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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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quelques gardes nationaux sans armes, des chouans probablement, conspuaient Louvet, clamaient : « À bas La Sentinelle ! » Un fracas de verre brisé dégringolant sur les dalles retentit, haut et clair. Un « pouvoir exécutif » avait défoncé la devanture. Puis la vitre de la porte vola en morceaux, juste au moment où Claude, bousculant les curieux, entrait de plein fouet dans la troupe tapageuse. Il projeta contre leurs congénères deux goujats à perruque blonde et pénétra dans la boutique. Lodoïska s’y trouvait seule avec le petit commis terrorisé. Claude vit qu’ils n’avaient aucun mal.
    « N’êtes-vous pas honteux ! s’écria-t-il en se retournant. Menacer une femme et un enfant ! Déguerpissez ! » Il s’était saisi de la lourde barre avec laquelle on assujettissait les volets. Cette arme, la carrure de celui qui la maniait en imposèrent aux royalistes les plus proches. Les autres braillaient : « À bas ! à bas ! » tandis que les boutiquiers d’alentour protestaient. « Sont-ce là des façons ? Effrayer les pratiques, casser les vitres ! Allons, messieurs, retirez-vous ! » Quelqu’un cria : « Voilà les bonnets à poils ! »
    Les gardes nationaux du théâtre de la République, tout voisin, n’avaient pas bougé, bien entendu ; mais les grenadiers du Corps législatif accouraient par l’autre bout de la galerie, croisant la baïonnette, fort disposés à prendre leur revanche sur leurs adversaires du duodi précédent. Ceux-ci n’attendirent point. Ils disparurent en se confondant avec les curieux qui s’égaillaient dans le jardin par crainte des coups.
    L’intrépide Germaine ne s’était pas départie de sa fermeté habituelle. Remerciant Claude, elle ajouta : « J’avais peur seulement de voir survenir Louvet. Avec son courage, il se serait jeté sur ces misérables et ils lui auraient fait un mauvais parti, car il n’a ni votre taille ni votre force. » Prévenu que l’on cassait tout chez lui, il arrivait en hâte, accompagné par Barras. « Ma pauvre amie, souffla-t-il, hors d’haleine, tu courras donc toujours des dangers à cause de moi ! Ces brigands ! Ils sont pires qu’autrefois les maratistes ! » Très animé, il parlait de réarmer indistinctement les faubourgs, de rouvrir les Jacobins. Barras le calma. « Nous n’avons rien à redouter, nous saurons bien mettre au pas les trublions. » Rassurés par la présence des grenadiers qui promirent de laisser là quatre d’entre eux jusqu’au soir, les deux hommes retournèrent à la Convention.
    Tout en votant la réunion de la Belgique et du pays de Liège à la France, elle complétait ses mesures défensives. Elle interdit aux sections et aux assemblées primaires de donner aucun ordre à la garde nationale, ôta aux autorités sectionnaires le droit d’opérer des arrestations, défendit aux concierges des prisons de recevoir aucune personne qui ne lui serait pas amenée par les agents de la Sûreté ou de la Commission de police. Enfin, les Comités se firent envoyer par le général Landremont, commandant le camp de Saint-Omer, trois mille hommes en renfort.
    Malgré leurs rodomontades, les meneurs hésitaient, on le voyait bien. La tranquille énergie des conventionnels, la répugnance de nombreux bourgeois à violer la légalité, à se lancer dans une aventure redoutable, la détermination des troupes qui, loin de se laisser gagner, témoignaient leur complet dévouement à la république, justifiaient cette hésitation. Le 7 vendémiaire, lors d’une soirée chez Tallien (où le malingre Buonaparte, toujours parisien, se montrait tout ensemble timide et hardi avec les dames, et les amusait par sa brusquerie ombrageuse), Cambacérès déclara : « Il ne se passera rien, finalement. Tout va se noyer dans les rumeurs.
    — Je ne le crois pas, répondit Claude. S’il n’y avait comme moteurs que les banquiers monarchiens et les gazetiers, même du genre Richer-Sérizy, cela se pourrait ; mais il y a là-dessous des agents royalistes, les auteurs de Toulon, de Quiberon. Ils ne lâcheront pas prise, eux. Si l’affaire s’endort, ils trouveront moyen de la réveiller, n’en doutez point. Vous seriez bien avisés, je le répète, de rapporter la loi sur les prétendus terroristes et d’en réarmer le plus possible. »
    Tallien, Fréron, Barras approuvèrent. Cambacérès fit la grimace ; cette mesure ne plaisait guère aux modérés, dont plusieurs, comme

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