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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sur laquelle on achoppait. Confier le pouvoir exécutif à un président de la république, n’était-ce pas préparer la dictature, ou même un rétablissement de la monarchie ? Le placer entre les mains de triumvirs, n’était-ce pas préparer entre eux des rivalités, la division, l’impuissance ? Claude inclinait à la présidence, en la disposant de telle sorte que l’homme porté à ce poste par le choix des députés ne pût exercer aucune influence politique, aucune action personnelle en dehors de son rôle, et fût simplement une espèce de super-ministre chargé de personnifier la nation et de veiller à l’exécution des lois rendues par les deux assemblées. Ce rôle conviendrait fort bien à un Cambacérès, par exemple ; Cambacérès majestueux, représentatif, possédant juste assez le sens de l’organisation et la fermeté nécessaire pour remplir sa tâche. Restait à préciser les mesures qui maintiendraient le président de la république dans sa condition de simple fonctionnaire, le premier de tous, le plus honoré car il incarnerait la France, mais un fonctionnaire, sans plus.
    À onze heures, Claude s’interrompit pour dîner – fort mal, Margot n’ayant, pu se procurer qu’une prétendue escalope dure comme du cuir, et quelques pommes de terre germées –, puis il se rendit à la Convention. Tout autour, sous la pluie fine, rien ne troublait le calme. La garde n’était pas plus importante qu’à l’ordinaire. Avait-on renoncé au mouvement ? À cause du mauvais temps, peut-être. Le 29 mai 98, Pétion annonçait à ses amis inquiets : « Il pleut, il n’y aura rien. »
    Claude fut détrompé bientôt par Gay-Vernon qui le rattrapa dans la cour nationale et lui dit : « Les Quinze-Vingts ne bougent pas pour le moment, j’en viens ; mais on s’excite beaucoup. Des femmes se sont soulevées dans la section de la Cité. Choudieu les a vues aux portes des boulangeries, empêchant les chalands de recevoir la ration et s’efforçant d’entraîner tout le monde vers les Tuileries. On raconte que la Convention va partir pour Châlons en abandonnant le peuple de Paris à la famine, que les jeunes gens sont rassemblés sur le Champ-de-Mars au nombre de trente mille et qu’avec leur concours on va désarmer les sections patriotes. Je ne sais si l’affaire prendra ou non, mais assurément on chauffe les fourneaux.
    — Je ne comprends pas, ou je comprends trop, répondit Claude. Le Comité de Sûreté générale est au courant de tout cela, sans aucun doute ; et il n’y a pas même une simple compagnie pour barrer les guichets du Louvre, pas une dans les rues d’accès au Carrousel. On veut donc que le peuple arrive jusqu’ici.
    — Je le pense. Il faudrait dénoncer à la Convention ce dessein.
    — Fais-le ! » suggéra Claude non sans ironie. Gay-Vernon n’était pas, ou n’était plus, homme à s’aller compromettre de la sorte. Au demeurant, l’avis devait venir du centre. Mais il ne se trouva dans les antisalles aucun député de la Plaine pour vouloir s’en charger. Le courageux Louvet, si prompt, au temps de Marat et de Robespierre, à voir partout des conspirations, haussa carrément les épaules.
    « Soupçonnerais-tu Legendre d’avoir partie liée avec les royalistes ?
    — Certes non ! Je le soupçonne de s’intéresser plus à M lle  Contat qu’à la Sûreté générale, et de se laisser manœuvrer. Voilà tout. »
    Les huissiers appelaient les représentants. Selon la décision prise le 9, on aurait dû consacrer cette séance au procès des quatre. Mais l’ordre du jour en renvoyait la reprise après l’audition d’un rapport de Boissy d’Anglas sur les subsistances. Ce problème pressait davantage. Boissy d’Anglas – que le peuple appelait Boissy-Famine – s’était résolu, comme le réclamait Jean Dubon, à demander à la Convention une force armée capable de protéger efficacement les convois. Il entama son rapport. Environ une heure plus tard, il finissait d’exposer la situation, lorsqu’on entendit, par les fenêtres donnant sur la cour nationale, un bruit de tambours et une rumeur qui s’enflait. Puis le tumulte retentit dans le palais même. Les huissiers s’étaient précipités dans la salle de la Liberté pour prêter main-forte aux invalides et à la garde. Cela n’empêcha point le grondement, toujours accru, de parvenir jusqu’à la porte. Des heurts l’ébranlèrent. Les battants aux panneaux de

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