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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Parisiens. « En vérité, dit Thérèse, il y a eu beaucoup d’enthousiasme dans le public.
    — Oui mais, corrigea Claire, les soldats de la garde rangés en haie sur le pont et le quai mangeaient leurs moustaches. S’ils se fussent abandonnés à leurs sentiments, les Bourbons ne seraient plus de ce monde à l’heure présente.
    — Et cela ne vaudrait pas plus mal, assura Jean Dubon qui avait raccompagné ses invitées. Je ne me fie pas à ces gens-là. Il suffit de les voir, ce sont d’orgueilleux imbéciles. La duchesse porte la vengeance sur son visage ; certainement, elle n’a rien oublié et ne pardonnera rien.
    — Louis XVIII cependant donne quelques signes d’honnêteté, dit Claude. Tu as lu sa déclaration, je pense. »
    Elle avait paru le matin même au Moniteur, datée de la veille à Saint-Ouen où résidait le roi avant d’entrer dans Paris, et conçue en ces termes :
    « LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, Salut.
    « Rappelé par l’amour de notre peuple au trône de nos pères, éclairé par les malheurs de la Nation que nous sommes destinés à gouverner, notre première pensée est d’invoquer cette confiance mutuelle nécessaire à notre repos, à son bonheur.
    « Après avoir lu attentivement le plan de la Constitution proposé par le Sénat, dans sa réunion du 6 avril dernier, nous avons reconnu que les bases étaient bonnes, mais qu’un grand nombre d’articles portant l’empreinte de la précipitation avec laquelle ils ont été rédigés, ils ne peuvent dans leur forme actuelle devenir lois fondamentales de l’État.
    « Résolu d’adopter une Constitution libérale, nous voulons qu’elle soit sagement combinée, et ne pouvant en accepter une qu’il est indispensable de rectifier nous convoquons pour le 10 du mois de la présente année le Sénat et le Corps législatif, nous engageant à mettre sous leurs yeux le travail que nous aurons accompli avec une Commission choisie dans le sein de ces deux corps, et à donner pour bases à cette Constitution les garanties suivantes :…»
    Elles répétaient purement et simplement l’énumération faite, le 14 avril, par Monsieur. Les promesses semblaient donc devoir être tenues. « Évidemment, remarqua Claude, rappelé au trône par l’amour de notre peuple n’est point rappelé au trône par la volonté ou même simplement le vœu de la nation. Le roi de France et de Navarre n’offre guère de rapport avec un roi des Français. L’emploi de ces vieilles formules n’indique pas une grande intelligence de la réalité actuelle ni ne promet beaucoup de compréhension pour l’avenir.
    — Je le crains, dit Dubon. En tout cas, si Louis XVIII se croit roi de France par la grâce de Dieu, il ne restera pas longtemps sur le trône. »
    Un mois plus tard, le 4 juin, lorsque le monarque se rendit solennellement au palais Bourbon pour présenter au Sénat et au Corps législatif réunis l’acte constitutionnel, celui-ci s’était transformé en une Charte royale, non plus acceptée mais octroyée par le souverain à ses sujets, datée de la dix-neuvième année de son règne, comme s’il était monté sur le trône par droit de naissance dès la mort du petit Louis XVII. Certes, cette Charte confirmait les libertés primordiales, l’égalité devant la loi et l’impôt, l’accessibilité de tous aux emplois et aux grades, l’irrévocabilité des ventes de biens nationaux, l’interdiction d’inquiéter quiconque pour des opinions, des votes ou faits relatifs à la Révolution, le maintien de la Légion d’honneur, des titres et des grades conférés par l’Empire. Mais elle substituait au Sénat une Chambre des pairs nommés par le roi, au Corps législatif une Chambre des députés élus au suffrage restreint, car la Charte rétablissait le cens : il fallait payer au moins trois cents francs d’impôt direct pour être électeur, mille pour être éligible. Enfin, le roi seul proposait les lois, et ses ministres étaient responsables devant lui seul.
    « Joli tour de passe-passe ! constata Dubon. Nous voilà, une fois encore, bernés. »
    Il n’y eut néanmoins aucune protestation. Comment les patriotes se fussent-ils insurgés contre un gouvernement qui avait obtenu la paix à des conditions inespérées ? Le traité, signé le 3o mai, – l’impératrice Joséphine était morte la veille à Malmaison –, conservait à la

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